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- Essai d’interprétation
Dans l'exubérance générale du décor de Gavrinis, quelques dalles ressortent par la richesse et la complexité de leur ornementation. Avec toute la circonspection qui s'impose, on peut proposer des pistes pour leur décryptage.
Pilier n°8
Des lignes horizontales structurent le décor en trois partie superposées.
- A la base, on reconnaît un "écusson", deux lames de haches appariées, trois serpentiformes dressés et une hache emmanchée. On peut envisager une évocation des puissances chtoniennes à ce niveau,
- Au-dessus, un "écusson" occupe la place centrale. Sa "chevelure" enveloppe une "crosse" à gauche et une lame de "hache" à droite. Plus à gauche, un second écusson semble pris dans la "chevelure" du premier. On peut y voir la divinité symbolisée par l'écusson principal "en majesté" avec les attributs de sa puissance et dominant une seconde entité de même nature mais subsidiaire (peut-être déjà l'esquisse d'un couple divin mère-fille ?),
- Dans toute la moitié supérieure du panneau, la partie située au-dessus de l'"écusson principal" du niveau précédent montre une succession d'écussons superposés dans la dynamique de bourgeonnement déjà évoquée, tandis que, sur le reste de la surface, l'organisation reste plus confuse.
Pilier n°9
Il est si rigoureusement structuré que le peintre cubiste Albert Gleizes n'hésitait pas à y voir une réalisation prémonitoire de l'oeuvre des grands Primitifs italiens comme Daddi ou Cimabue.
- La travée centrale montre à la base un "écusson" dépourvu de "rostre" mais dont les "boucles" sont ramenées vers le haut (en "oreilles de Mickey"), selon une disposition qui évoque déjà le "style des Pierres-plates",
- Au dessus, deux grands "écussons" s'emboîtent comme sur le pilier voisin ou le n°26,
- De chaque côté, des arceaux emboîtés transversalement peuvent évoquer les "boucles" de ces écussons centraux,
- Sur les bords enfin, les guirlandes de petits écussons emboîtés ont peut-être un rôle essentiellement décoratif tout en rappelant le "mythe de filiation" vraisemblablement traité dans le panneau central.
Pilier n°16
Il occupe la partie gauche du fond de la chambre et, s'il est éclairé, il peut être aperçu depuis l'entrée. Pour l'essentiel, sa composition est réglée par un double axe de symétrie, horizontal et vertical.
- Au centre de la partie supérieure trône un "écusson" dont la chevelure se transforme, de part et d'autre, en un champ de "crosses" symétriques, analogue à celui de la stèle réutilisée n°14 toute proche.
- La partie inférieure est plus confuse mais on y distingue deux haches appariées à droite et une série de "corniformes" emboîtés à gauche.
Comme sur le n°8, on pourrait avoir ici une divinité "en majesté" entourée de ses attributs ou des symboles de puissances accessoires.
Pilier n°18
Depuis la découverte du monument, cette dalle située latéralement dans la chambre n'a cessé d'attiser des fantasmes dont se gaussait déjà Prosper Mérimée. La raison en est la cavité enjambée par deux "anneaux" qui marque le centre de la pierre, et où d'aucuns se sont empressés de voir un instrument de torture néolithique.
En réalité, cette curiosité résulte d'un phénomène d'érosion naturelle comme le montre sans ambiguïté l'état de surface à l'intérieur de la cavité. Reste à savoir si les bâtisseurs de Gavrinis ont choisi la pierre à cause de cette particularité ou malgré ce défaut.
Pour le reste, le décor s'organise autour d'un grand tracé en "V" à la partie supérieure et de deux "pseudo-spirales" à la base.
Parmi les interprétations envisageables, on peut avancer celle d'une stèle anthropomorphe, le "V" évoquant assez régulièrement le visage humain dans l'art néolithique. Quant aux protubérances des "anneaux", elles auraient pu être mises à profit pour évoquer un buste féminin... à moins que cette valeur symbolique ne revienne aux décors spiralés situés en dessous.