"Le jeu savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière" (Le Corbusier)

Vu de l'extérieur, un monument mégalithique est une architecture qui, à sa manière, répond pleinement aux critères de Le Corbusier :

C'est un "volume".

Nécessité faisant loi, les préhistoriens se sont trop souvent résignés à un monde en deux dimensions où ils dominent du regard des vestiges arasés. Menhirs mis à part, seuls quelques rares grands monuments mégalithiques ont gardé une élévation représentative de leur état initial (c'est à dire impliquant de lever la tête pour les appréhender).

Ce volume est "savant".

Les recherches récentes ont montré que cairns et tertres étaient tout sauf les amas informes que l'on imaginait jadis. La masse des matériaux en est structurée par des parements agencés de manière cohérente et le plan du monument est lui-même parfaitement défini (circulaire, quadrangulaire, allongé, à angles vifs ou arrondis...). De même, l'implantation des menhirs obéit à des règles, pour les pierres entre elles comme entre celles-ci et le paysage environnant.

Cet agencement est "correct".

Les fouilles ont montré que les structures des cairns notamment obéissaient, de manière certes approximative et empirique, à un certain nombre de règles techniques (rythme et fruit des parements maçonnés adaptés aux matériaux utilisés, dispositifs de "contre-buttement") pour maîtriser les poussées et tassements. De même, les calages de menhirs - qui pourtant étonnent par leur légèreté chaque fois qu'on peut les étudier - ont su préserver la stabilité de blocs énormes et irréguliers. Sauf agressions humaines ou défaillances de matériaux (fissuration d'une dalle...), les architectures mégalithiques montrent des exemples étonnants de stabilité sur plusieurs millénaires, témoignant ainsi du savoir-faire de leurs bâtisseurs.

Le résultat est "magnifique".

C'est à dire qu'il répond, de façon certes approchée et intuitive, à un certain nombre de règles élémentaires de symétrie et de proportionnalité. Il s'en dégage une esthétique sévère et massive mais indiscutable. Plus encore, la disposition des structures pouvait, de manière sans doute délibérée, modifier sensiblement la perception des volumes. C'est ainsi que le plan trapézoïdal d'un cairn et le fruit de ses parements pouvaient lui donner de l'ampleur par un effet de perspective artificiellement exagérée.

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La façade de Gavrinis (6m de haut, 25m de long), dont la monumentalité est encore accentuée par un "fruit" prononcé.

Le décapage du cairn d'Er-Grah à Locmariaquer montre bien l'organisation complexe des parements qui structurent la masse des pierres enveloppant la tombe.

Une des chambres de Barnenez (Finistère), accidentellement éventrée en 1954, montre sa structure en "fausse coupole".

Le cairn de Barnenez (Finistère) souligne l'aspect massif des grands cairns.

Comme toute architecture enfin, ce volume se regarde sous la lumière et interagit avec le paysage environnant :

  • Selon la taille du monument

Le terme "magnifique" suppose aussi une question d'échelle : l'architecture ne se juge pas sur maquette et il semble bien que déjà les hommes du Néolithique percevaient et traitaient différemment un tumulus géant et un modeste tertre, un grand menhir et une petite borne,

  • Selon son implantation topographique

La série des grands monuments de Locmariaquer le long de la ligne de crête de la presqu'île ou l'installation des menhirs d'Er-Lannic tournant le dos à ce qui était alors un estuaire alors que Gavrinis le domine ostensiblement sont autant d'exemples que l'on pourrait multiplier,

  • Selon son emprise au sol,

A l'évidence, l'impact sur le paysage d'un grand "champ de menhirs" d'une dizaine d'hectares est sans commune mesure avec celui d'un petit monument isolé,

  • Selon sa nature,

Un cairn massif et bien circonscrit ne s'appréhende pas de la même manière qu'un groupe de menhirs au travers desquels se devine un arrière-plan et qui paraît se réorganiser sans cesse tandis que l'observateur se déplace.

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Dans les alignements du Manio à Carnac, le soleil couchant souligne le rythme des pierres ainsi que la transparence de la structure.

Essai de reconstitution de la maison du Néolithique ancien de Saint-Etienne-en-Coglès (Ille-et-Vilaine).

Essai de reconstitution de la façade de Gavrinis.