L'analyse des mythes et traditions est un terrain délicat, notamment dans le domaine des mégalithes où interfèrent plusieurs niveaux d'information souvent enchevêtrés :

  • des bribes de traditions authentiquement anciennes,
  • des "mythes récurrents", revenant spontanément à différentes époques sans qu'il y ait nécessairement un lien avec un fond plus ancien,
  • des "mythes savants", issus des idées intellectuellement en vogue à une certaine époque, "plaquées" artificiellement sur un site et finalement incorporées à la tradition.

Parmi les grandes périodes favorables à de telles éclosions, on peut notamment citer:

  • la fin du XVIe siècle avec la contre-réforme post-tridentine et la politique de "missions" de l'Eglise catholique, pour les mythes à connotation biblique ou évangélique,
  • le XVIIIe siècle et ses "Lumières" pour les références à l'Antiquité classique,
  • le début du XIXe siècle et le Romantisme avec le mouvement "celtomane",
  • la fin du XIXe siècle avec la résurgence des mythes "arthuriens",
  • l'époque actuelle, propice à l'élaboration de "mythes scientifiques" variés.

Certains illustrateurs du XIXe s. jouent délibérement la carte du fantastique.

Quelques traditions liées aux mégalithes morbihannais

Les nains (sous leurs différentes formes et appellations) sont régulièrement impliqués dans la construction et/ou la fréquentation des tombes mégalithiques : Mané-Kerioned (butte aux lutins), Ty-Korriganed (maison des lutins), etc. (par contre, à la différence de bien d'autres régions, les géants ne sont pratiquement pas sollicités en Morbihan).

Les fées auraient notamment entassé les pierres du Mané-er-Hroeg à Locmariaquer pour aider une pauvre veuve à guetter le retour de son fils ; cette légende est peut-être à rapprocher de l'usage du monument comme amer indiqué par Garcie Ferrande, voire comme "motte à fougon" (fanal) d'après Boureau-Deslandes.

Les formes du bloc au premier plan ont été accentuées pour évoquer un crapaud, animal parfois évoqué dans la dénomination traditionnelle des mégalithes.

Les croyances liées à la fécondité présentent plusieurs aspects

  • Les roches "écriantes" sur lesquelles les femmes en mal d'enfant venaient se frotter ; sont notamment concernés le Grand-Menhir de Locmariaquer, le "Vaisseau" (bloc couché) à la tête des alignements du Menec, le dolmen de Cruz-Moquen à Carnac (la christianisation de ce dernier aurait eu pour but de faire cesser cette pratique),
  • Les pierres assurant la protection et la prospérité des troupeaux sont attestées par Boureau-Deslandes dès le 18e siècle, avant que ces pratiques ne soient rapportées comme liées au culte de Saint Cornely,
  • Les pierres des alignements ont aussi été considérées comme ayant été semées en sillons et ayant poussé comme des plantes.

Le dolmen christianisé de Cruz-Moquen à Carnac.

Les malédictions divines

Le mythe central est celui de Saint Cornely pétrifiant la légion romaine qui le poursuivait ; outre le gros de la troupe représentée par les alignements de Carnac, on en trouve l'avant-garde à Kerzerho (Erdeven), deux traînards à Luffang (Crac'h) et des fuyards au Resto (Languidic).

A Saint-Pierre-Quiberon, c'est par contre sainte Hélène qui aurait pétrifié les soldats lancés à ses trousses. Dans d'autres régions de Bretagne, on fait également allusion à des châtiments d'attitudes mécréantes : pétrification de noceurs irrespectueux à l'égard d'un prêtre portant le Viatique (Brasparts, Finistère) ou de jeunes filles préférant une danse sur la lande à l'assistance aux vêpres (Langon, Ille-et-Vilaine), etc.