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La complexité des stratigraphies
Après une évaluation globale de la géométrie des sédiments, les techniques de fouille doivent être adaptées à la plus ou moins grande complexité des dépôts d'origine anthropique.
À Clairvaux, La Motte-aux-Magnins représente un cas extrêmement complexe de site de presqu'île ayant attiré les cultivateurs néolithiques pendant près de deux millénaires. Les villages s'y succèdent, avec des reconstructions systématiques à peu près sur le même plan, et les couches d'abandon ne sont presque pas marquées par des dépôts naturels.
Cette lacune dans les dépôts de craie lacustre tient au fait que Clairvaux est un petit lac à faibles variations du niveau du plan d'eau et que le site archéologique est à profondeur modeste.
Dans cet exemple, l'essentiel des sédiments accumulés sur un à deux mètres d'épaisseur a été progressivement apporté par l'homme. Aucune couche continue sur toute la surface du site n'a pu être observée.
Successions stratigraphiques complexes.
Clairvaux, La Motte-aux-Magnins, 36e-17e siècles av. J.-C.
Successions stratigraphiques complexes.
Clairvaux, La Motte-aux-Magnins, 36e-17e siècles av. J.-C.
La fouille par caisson
De tels sites en tourbière et en bas-marais sont particulièrement délicats à fouiller, pour diverses raisons : la complexité des séquences stratigraphiques qui permettent mal la lecture sur de grandes surfaces, le développement important de la végétation qui a poussé ses systèmes radiculaires en profondeur, et la grande porosité des sédiments qui ne freine guère l'écoulement de la nappe phréatique.
La fouille porte donc sur des caissons successifs de surface réduite (40 à 60 m²), où l'eau est localement épuisée à la pompe pour ne pas avoir des volumes trop importants à évacuer. Mais la difficulté demeure de raccorder entre elles, après la fouille, les différentes unités de fouille, dont la variabilité sédimentaire latérale est très importante.
Cette technique de fouille par caissons successifs, qui doivent être rebouchés avant d'entamer le suivant, a également été testée avec succès au bord des lacs, quand la profondeur d'eau est insuffisante pour travailler en plongée.
Il s'agit de construire un barrage, ici constitué de deux parois de planches reliées entre elles et bourrées de craies lacustres fines et à peu près étanches. Le barrage enserre la future zone de fouille qui est ensuite mise à découvert par pompage. À Chalain, de tels batardeaux ont permis de fouiller, à pied sec, des surfaces de 200 m² sous un mètre d'eau à l'étiage.
La technique est laborieuse, longue à mettre en place, mais permet de travailler dans de bien meilleures conditions que celles d'une fouille en plongée.
Caisson de fouille.
Clairvaux IV, 31e-30e siècles av. J.-C.
Construction d'un batardeau.
Chalain 2.
Les décapages
Lorsque les successions sédimentaires sont clairement lisibles en stratigraphie -et c'est souvent le cas en bordure des grands lacs-, les décapages peuvent porter d'un seul coup sur des surfaces de 100 à 200 m².
Sur ces anciens rivages, la difficulté réside alors dans le repérage des variations de faciès, depuis l'eau peu profonde jusqu'aux plages émergées à l'étiage. En d'autres termes, les couches ont tendance à perdre de l'épaisseur, à être érodées, au fur et à mesure que l'on se dirige du lac vers l'ancien rivage. La plus grande finesse de lecture des successions sédimentaires est donc du côté du large, où doit alors nécessairement débuter le décapage de fouille.
Mais de telles successions apparemment simples sont rares et représentent souvent un leurre, une image déformée des réalités anciennes. La simplification stratigraphique est parfois intervenue après coup, lorsqu'une grande partie des végétaux apportés par l'homme a disparu à la suite d'un épisode d'assèchement prolongé. Cette succession régulière de périodes d'habitat et d'abandon peut alors représenter un palimpseste très schématique d'une dynamique beaucoup plus complexe.
Lors d'un décapage de couche d'habitat en milieu humide, l'idéal est bien sûr, comme dans tous les sites archéologiques, de ne pas déplacer les vestiges lors de la fouille afin de garder l'occasion d'étudier visuellement les rapports spatiaux que les artefacts entretiennent entre eux.
L'étude des connexions osseuses, pour prendre un exemple, est essentielle pour cerner les activités de boucherie, de partage de la viande ou bien les conditions de dépôt de certains animaux encore en connexion anatomique.
Mais l'abondance des artefacts est parfois telle qu'on se voit contraint de privilégier certains vestiges plutôt que d'autres.