Un véhicule pour le transport des charges

Un travois triangulaire à deux patins a été trouvé juste à côté de la maison isolée de Chalain 19, en contrebas. Destiné au transport des charges pondéreuses, ce véhicule était tiré par un attelage qui en soulevait l'avant, tandis que l'arrière frottait sur le sol.

Ses dimensions sont impressionnantes : chaque patin mesure 2,80 m de longueur et l'écartement entre l'arrière des patins est de 1,30 m. Les bois utilisés sont le frêne pour les patins, le chêne pour les barreaux d'origine, et diverses essences de bois blancs pour les barreaux réparés.

L'avant du travois de Chalain, avec ses deux têtes de patin élargies, appartient clairement au système technique des haches d'abattage en forêt. Nul doute qu'il ne s'agisse d'une production locale. De surcroît, un joug en chêne, long de 1,53 m, mais brisé à une extrémité, était fixé le long du travois.

Il s'agit là d'une découverte tout à fait exceptionnelle et c'est la première fois qu'un véhicule de ce type est reconnu matériellement, alors que l'on dispose de quelques représentations gravées.

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Travois triangulaire à deux patins en cours de dégagement.

Chalain 19, 32e-30e siècles av. J.-C. © CRAVA / photo P. Pétrequin.

Travois triangulaire à deux patins.

 Chalain 19,  32e-30e siècles av. J.-C.

Joug en chêne.

Chalain 19, 32e-30e siècles av. J.-C.

Le système technique de la hache employé sur le site de Chalain.

© CRAVA / photo P. Pétrequin.

L'entrée du village, chemin de planches et palissade.

Aquarelle G. Monthel.

Des paires de bœufs pour les dieux

Avant la découverte de ce travois, on connaissait déjà, gravées sur les rochers de la Vallée des Merveilles (dans l'arrière-pays de Nice), de très rares représentations de bœufs attelés à ce type de véhicule. Datant du Néolithique final, ces gravures montrent, traînés par des corniformes, des cadres trapézoïdaux munis de barreaux transversaux selon le même principe que le travois triangulaire de Chalain.

Plus généralement, les représentations d'attelage sont classiques sur les parois gravées des vallées alpines de la fin du Néolithique, et participent du même répertoire de formes que les poignards en cuivre, les haches emmanchées, les bœufs, les bouquetins ou bien encore les cerfs. À ce titre, l'exemple du bloc-stèle de Cemmo est particulièrement éloquent: on y retrouve, parmi des représentations d'animaux, de poignards et de figures anthropomorphes, deux paires de bœufs, l'une attelée à un chariot à quatre roues, l'autre à un araire.

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Travois de la Vallée des Merveilles (arrière-pays de Nice)

D'après H. de Lumley, 1995.

Rerprésentation d'une paire bœufs sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du nord).

Le bloc-stèle de Cemmo

Le bloc-stèle de Cemmo porte dans sa partie supérieure un disque solaire ; viennent ensuite les représentations de chiens et d'animaux, puis les poignards et les figures anthropomorphes. Enfin, en bas à gauche, figurent deux paires de bœufs attelés, l'une à un chariot à quatre roues, l'autre à un araire.

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Bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord). D'après R.C. de Marinis, 1994.

Représentation du disque solaire sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord). D'après R.C. de Marinis, 1994.

Représentation de chiens et d'animaux sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord). D'après R.C. de Marinis, 1994.

Représentation de poignards sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord). D'après R.C. de Marinis, 1994.

Représentation de figures anthropomorphes sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord).

D'après R.C. de Marinis, 1994.

Représentation d'une paire de bœufs attelés à un chariot à quatre roues sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord). D'après R.C. de Marinis, 1994.

Représentation d'une paire de bœufs attelés à un araire sur le bloc-stèle de Cemmo, Val Camonica (Italie du Nord). D'après R.C. de Marinis, 1994.

Des représentations sacrées

Il ne fait pas de doute que ces gravures appartiennent au domaine du sacré. On est alors en droit de douter que tous les hommes aient pu, à cette époque, disposer d'attelages et de travois. C'est là un signe de ces temps sociaux que la lente diffusion de certaines innovations techniques dans le domaine du sacré et des dieux. C'est à ce moment que les grands hommes vont commencer à détourner les innovations pour leur propre affichage social et pour l'expression des hiérarchies inégalitaires qui se développent autour du prestige du guerrier et de l'ancêtre.

Ainsi, la présence du travois à proximité de la maison isolée de Chalain 19 tendrait à montrer qu'il s'agissait de la demeure d'un personnage hors du commun, dont les signes réservés étaient les mêmes que ceux affectés au domaine du sacré et des puissances surnaturelles.