Une étude approfondie du bâti permet aux archéologues de mieux comprendre l’organisation, les fonctions et l’évolution des différents espaces de l’abbaye. Les nouvelles techniques ouvrent des portes d’analyse inédites et remettent parfois en question d’anciennes théories.

Lecture du bâti

L'étude architecturale d'un monument comporte un examen approfondi de sa construction. Le relevé pierre à pierre est un des principaux moyens de mettre en évidence les différentes phases d'élaboration, les reprises ou les réfections de l'édifice. Cette technique consiste à relever à la main tous les éléments présents sur un mur, de la plus petite tâche d’enduit au plus gros moellon de construction. En mettant au jour l'organisation des maçonneries et leurs cicatrices, le pierre à pierre donne à lire l'histoire du bâti et constitue donc un des principaux jalons de la recherche archéologique monumentale.

Étude archéologique des traces picturales

Les peintures reconnues dans l'oratoire Saint-Laurent-Saint-Vincent étaient de conservation très fragmentaire et mal identifiées. L'étude des couches picturales et les relevés archéologiques permirent d'avancer quelque peu dans la connaissance de l'iconographie de cette partie sud de la crypte carolingienne. Deux scènes ont ainsi été plus précisément déchiffrées. Le cul-de-four  porte un décor du Christ nimbé accompagné d'un personnage fortement incliné, les mains tendues, coiffé d'un bonnet pointu, d'abord interprété comme une Adoration des mages. Le relevé archéologique de la scène permit d'infirmer cette hypothèse pour lui substituer celle du couronnement de saint Laurent et saint Vincent. Une seconde figure partiellement conservée et très effacée fut en effet mise au jour à la gauche du Christ. Ce qui était compris comme des bonnets s'avéra être des bandeaux formant des couronnes surmontées de la main du Christ. L'identification de Laurent, assurée par une inscription de la fin du XIe siècle au nord de la scène, suggéra la présence de Vincent en symétrie dans une représentation par ailleurs attestée du couronnement des deux martyrs. La stratigraphie des couleurs et le style du dessin sont très proches de ceux employés pour les scènes du martyre de saint Étienne ce qui laisse suggérer l'hypothèse d'une même main ou d'un même atelier. Face au couronnement de Laurent et Vincent, la paroi ouest de l'oratoire porte une scène très effacée, d'abord perçue comme la représentation d'un paon faisant la roue, symbole d'immortalité. Le relevé archéologique mit en évidence un palmier-dattier dont les fruits pendent à la base. Dès l'époque paléochrétienne en référence aux versets bibliques du psaume 91, le palmier est en effet associé à l'image des martyrs.