Alors que la grotte devient propriété de l'État en 1902, le développement du tourisme force la mise en place d'une réflexion sur la conservation des peintures. Les premières politiques sont ainsi essentiellement interventionnistes et curatives puis de plus en plus préventives alors que la caverne est affectée au Centre des monuments nationaux.

Très rapidement propriété de l'État

Grâce à la générosité de Léon Delmares, la grotte de Font-de-Gaume devient propriété de l’État (administration des Beaux-Arts) peu de temps après sa découverte. Sa protection au titre des Monuments historiques intervient le 3 juillet 1902. Il faut néanmoins attendre quelques années encore pour mettre un terme au vandalisme qu’elle avait subi depuis des décennies (cf. graffitis). L’ouverture au public intervient en 1910. Son électrification, en 1920, en fait la première grotte aménagée pour les visites publiques en France. Après un siècle, son succès n’est pas démenti. Dans les années 1990, l’État peut enfin racheter les terrains dominant l’ensemble du réseau et maîtriser ainsi cet espace sensible. Aujourd’hui, Font-de-Gaume est affecté au Centre des monuments nationaux, qui assure, au nom de l’État, son accessibilité au public mais aussi sa conservation et gère l’ensemble de ses travaux d’entretien. 

Dès l’origine, les auteurs de la célèbre monographie de 1910 s’étaient intéressés aux problèmes de conservation de ce patrimoine extrêmement fragile. Ils avaient notamment, avec beaucoup de perspicacité, imputé aux aménagements médiévaux de son entrée et du réseau avant le Rubicon (abaissement du sol) l’érosion quasi complète du décor des premiers mètres du réseau par augmentation des circulations d’air. C’est en effet en secteur stable et confiné que la conservation est la meilleure.

Porte d’entrée de la cavité ; à droite, une plaque commémore le centenaire de la découverte de la grotte de Font-de-Gaume (1901-2001). (© Ph. Jugie – CMN/CNP.)

Premières mesures conservatoires

Après la Seconde Guerre mondiale, et la découverte de la grotte de Lascaux (Dordogne), le développement du tourisme amène l’administration centrale à prendre des mesures pour prévenir ou limiter les dégradations des peintures par frottements ou contacts. Dans les secteurs étroits, on pratique le décaissement du sol avec contrôle archéologique. Dans les endroits plus spacieux sont mises en place des protections physiques (rambardes, vitrages). Globalement, le cheminement public est abaissé de 60 à 70 centimètres, en fait entre 0,10 et 1,25 mètre selon les secteurs, mais il reste encore quelques zones réservées potentielles de fouilles. 

Les travaux archéologiques dans la galerie principale sont supervisés par Séverin Blanc, en 1951, pour la première partie entre le Rubicon et le Carrefour, puis par François Prat, en 1967 et 1968, pour la partie entre le carrefour et le cabinet des Bisons. L’installation électrique est également rénovée en 1973. Parallèlement ont lieu diverses tentatives pour améliorer la lisibilité des peintures naturellement recouvertes par la calcite : l’amincissement du concrétionnement par brossage, abrasion ou choc doux donne des résultats spectaculaires notamment sur la dernière frise des bisons. 

Les graves problèmes de conservation entraînant la fermeture de Lascaux en 1963 incitent désormais à la plus extrême prudence. Sous la houlette du Laboratoire de recherche des Monuments historiques sont engagées des études thermiques (la fréquentation humaine augmente sensiblement la température interne de la cavité) mesurant les variations de température, le régime de circulation d’air, l’hygrométrie, la teneur en CO2 (qui en présence d’eau de condensation peut engendrer la dissolution du calcaire) etc. Tous ces paramètres, interactifs, ne peuvent pas être également contrôlés. On tente alors de limiter l’un d’eux, la présence de CO2, en complétant par un dispositif de pompage électrique la dépressurisation naturelle de la cavité. 

La fréquentation publique entraîne d’autres nuisances : l’introduction de matières organiques et de divers débris se déposant sur les parois, leur encrassement général, créent les conditions nécessaires au développement de nombreux microorganismes potentiellement dangereux (champignons, moisissures, etc.), aggravés par la présence de points lumineux de l’éclairage. Il semble alors indispensable de neutraliser ces phénomènes en pratiquant régulièrement des traitements biocides par aspersion puis thermo nébulisation de produits chimiques divers et variés. Comme il est facile de le constater, la politique conservatoire mise en œuvre est essentiellement interventionniste et curative jusqu’en 1990, alors que l’on n’en maîtrise pas forcément les effets à moyen et long terme (cf. Lascaux).

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Détail de la frise des Bisons, secteur orné, galerie principale, seconde partie. (© Olivier Huard / Centre des monuments nationaux)

Récupérateur d’eau et pompe d’évacuation, secteur orné, cabinet des Bisons. (© Ph. Jugie– CMN/CNP.)

Favoriser la prévention des risques

Depuis les années 1990, suivant en cela les propositions de Norbert Aujoulat, grand spécialiste du milieu souterrain et conservateur au Centre national de Préhistoire, responsable du département d’art pariétal, la nouvelle administration de la grotte (relevant du Centre des monuments nationaux) a mis en place une politique conservatoire radicalement différente. Elle favorise en effet la prévention des risques et cherche à limiter au maximum les interventions techniques. Suivi climatique permanent, contrôle biologique régulier, etc., ont permis la définition par le laboratoire d’hydrogéologie de Bordeaux d’un seuil d’équilibre fondé sur le principe de la stabilité et de l’auto-rééquilibrage de la cavité : toute grotte peut supporter sans dommage une légère modification de son milieu, pour autant qu’elle soit très passagère. L’élévation de la température par exemple – chaque visiteur représente un micro radiateur de 50 à 100 watts ! – doit être suffisamment faible, y compris en été, pour que la cavité retrouve sa température naturelle quotidiennement. Le seuil a été récemment déterminé à 80 personnes par jour (pour 30 mn de visite). Le bénéfice est évident : depuis plusieurs années, Font-de-Gaume est parfaitement stable et ne nécessite plus aucun traitement. Sous réserve des modifications du régime climatique actuel, le public devrait pouvoir fréquenter cette cavité sans lui faire courir de risque majeur pouvant entraîner la disparition de ses œuvres.

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Station climatologique, extrémité de la galerie latérale. (© Ph. Jugie – CMN/CNP.)

Capteur de la station climatologique, galerie principale. (© Ph. Jugie – CMN/CNP.)