Au début du XXe siècle, la photographie aérienne, qui permet un changement d'échelle, une prise de distance, un recul qu'aucune autre méthode n'autorisait, connaît un développement spectaculaire. Le premier fouilleur d’Ougarit, Claude Schaeffer, en comprend vite l'intérêt scientifique. Le fonds Claude Schaeffer (conservé au service des archives du Collège de France) renferme ainsi de nombreux clichés qui témoignent de l’aspect de la région littorale syrienne dans les années 1930, de Lattaquié jusqu'au Djebel Akra au nord.

La photographie aérienne au service de la restitution du paysage

Les photographies aériennes anciennes sont un outil précieux pour étudier l’évolution des paysages, qu’ils soient contemporains ou antiques. Verticaux ou obliques, les clichés révèlent maints détails de la nature du sol et de sa mise en valeur, montrent des pratiques culturales ou des aménagements aujourd’hui disparus, telles des constructions hydrauliques destinées à l’irrigation des vergers, mais nous renseignent aussi sur l’organisation du paysage.

Les cultures annuelles, surtout des céréales, occupent en 1930 l’essentiel de l'espace et forment la matrice du paysage, d’où émergent quelques îlots boisés. Proches de fermes isolées ou de hameaux, ces vergers souvent irrigués et ces rideaux d’arbres sont liés à la présence d’une source ou d'un puits. Par endroit, cette structure paysagère est entrecoupée par des affleurements de grès dunaires (appelés ramleh) que l’absence de terre arable a voués à d’autres usages : pacages pour le cheptel caprin ou ovin, sites de carrières, fréquents autour de Ras Shamra. Ougarit fut implantée sur une de ces buttes que le tell ennoya peu à peu.

Mieux comprendre les dynamiques

Ces clichés sont une documentation précieuse car en nous montrant les paysages des années 1930 et en permettant d’apprécier la rapidité des mutations survenues depuis, ils fournissent un analogue possible des paysages antiques et de leurs dynamiques.