Dans le quartier d’habitation du Bronze récent du « Centre de la Ville » à Ougarit (fouilles Margueritte Yon 1978-1988), les outils de silex sont omniprésents et ces artefacts peu spectaculaires doivent constituer des témoins des activités quotidiennes, en mesure d’apporter des informations nouvelles sur la vie d’alors.

Des faucilles à tranchant de silex

Dans leur grande majorité, il s’agit d’éléments géométriques dont le tranchant présente un poli d’utilisation souvent très développé et brillant. Les études expérimentales montrent que ces traces sont liées à la coupe de végétaux tendres, en premier lieu les céréales, mais aussi les roseaux. Seule l’étude microscopique de l’état de surface permet de préciser le matériau travaillé et le geste associé. Pour Ougarit, une série de ces éléments a fait l’objet d’une analyse au microscope métallographique et les traces observées correspondaient à la coupe des céréales, prouvant que ces outils étaient liés à la moisson des céréales.

Les études typologiques, typométriques et tracéologiques de ces éléments de faucilles géométriques ont permis de proposer une forme et un module pour les faucilles dont le tranchant était constitué d’une série d’éléments jointifs, fixés à un manche en bois au moyen d’un mastic à base de bitume. L’analyse géochimique des résidus d’adhésif a permis de préciser le lieu de provenance de ce bitume (le gisement de Kfarié situé dans la région).

Des outils agricoles dans chaque maison

Cette restitution a alors permis d’estimer le nombre réel de faucilles présentes dans le secteur urbain étudié, soit entre 70 et 80 faucilles complètes ce qui suggère que la participation d’habitants de ce quartier aux travaux des champs ne devait rien avoir d’anecdotique.

L’analyse de leur répartition spatiale a montré que ces « faucilles » étaient présentes dans toutes les maisons, attestant que des habitants de ce quartier urbain prenaient part aux activités agricoles au moment de la moisson… et ceci en utilisant des faucilles non pas en bronze mais à tranchant formé d’éléments en silex.

Façonnés dans un matériau peu prestigieux, ces outils ont révélé un pan méconnu de la vie quotidienne dans la capitale que fut Ougarit, alors même que les sources iconographiques et textuelles ne parlent pas de ces outils de pierre. Ce dernier point est probablement dû au fait qu’il s’agissait justement d’outils communs, liés à des activités connues de tous, pratiquées par tous.

Contributeur(s)