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Une tempête, des rochers, une bataille, des boulets… un univers marin s’est brutalement figé. Au chaos du naufrage, aux blessures des sauvetages, une longue dégradation a bientôt succédé. Face à l’environnement, à son hostilité, carène, poulies, cordages, canons et cargaison ont lentement évolué jusqu’à trouver enfin un subtil équilibre. La cellulose fuit le bois, les fers se désagrègent et, en quelques décennies, l’épave s’est effondrée, transformée en millefeuille qu’une couche sédimentaire vient désormais souder. Surgi après des siècles dans ce lieu pétrifié, l’acte archéologique procède de la violence. Même prudemment conduit, il induit des ruptures, génère quelques offenses.
Les objets exhumés sont comme des grands blessés. Aussitôt qu’ils sont dégagés, il faut leur appliquer des traitements palliatifs, anticiper déjà des protocoles sévères aux vertus curatives. Cette chirurgie est lourde. Elle s’inspire d’expériences, réclame l’irradiation, exige l’électrolyse,. Il faut être patient car les soins sont très longs. Ils sont aussi coûteux : Pendant la thérapie, les matières organiques de même que les métaux vont être analysés, disséqués, comparés. D’un cuir trouvé fripé, gorgé d’eau, déchiré, renaîtra une chaussure; d’une concrétion informe jaillira une épée ou bien un pistolet qu’on conservait armé. Les bois comme les humains sont dotés de la vie. L’analyste en témoigne qui lit dedans leurs cernes une région de naissance, une vie et des souffrances.
La physique et l’histoire, la chimie, la mémoire se conjuguent ce faisant pour prouver au poète que les objets inanimés ont bel et bien une âme.