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- Ni vivant, ni défunt, marin suis !
- La maladie et la mort
« …Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire, le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire, sur le sombre océan jette le sombre oubli….»
Victor Hugo, Oceano Nox
Au vrai, que sait-on réellement de la vie des équipages ? Peu sinon rien! Rédigés sous la dictée des capitaines, les journaux de bord ne font qu’une maigre place au quotidien des hommes embarqués. Seule leur mort retient, semble-t-il, l’attention car elle exige au retour qu’on rende des comptes à la famille et, avant elle, à l’armateur. Nombre de rapports de mer s’achèvent ainsi par la longue énumération des noms des marins disparus au cours du voyage et c’est ainsi, paradoxalement, par suite de leur brutale disparition que le nom d'inconnus a survécu jusqu’à nous …
La guerre navale et notamment la pratique corsaire occupe dans ce sombre défilé des « perdus en mer » une place de choix. De même, la maladie, tout particulièrement le scorbut dont on ignorera jusqu’à la fin du XVIIIe siècle la vraie nature, fait des ravages, notamment sur les longs trajets à la Chine ou à la Mer du Sud. Plus laconiquement, les expressions fréquemment usitées de « tombé à la mer » et « perdu dans la brume », confirment la dangerosité du métier lors des traversées hauturières ou sur les bancs de Terre-Neuve… Si elles frappent plus souvent le simple matelot, la maladie et la mort n’épargnent personne et l’on trouve aussi périodiquement signalée dans les archives la disparition d’un officier, voire d’un capitaine. Très rarement enfin, religion oblige, les rapports évoquent le suicide comme origine de la disparition.