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L'émergence des héros
Dans les sociétés de l'Antiquité, le phénomène de l'héroïsation d'un individu après sa mort ne saurait résulter de la seule dynamique d'une structuration du corps social. Il découle davantage de nouvelles attentes identitaires qui accompagnent une période de mutation profonde du corps social, tout en répondant aux besoins de protection d'un territoire de productivité, plus pérenne et mieux délimité. La nature humaine du héros le rend plus proche des vivants de sa communauté d'origine que ne le sont les divinités locales, toujours lointaines et imprévisibles. C'est pour cela que le héros sera très présent parmi les populations de la Protohistoire occidentale dès la fin de l'âge du Bronze.
La représentation héroïque
Les premières expressions sculptées de l'âge du Fer seront consacrées à ces individus honorés, d'autant plus que la représentation des dieux sous une forme anthropomorphe n'a pas de sens dans la spiritualité des Celtes. Les bustes de Sainte-Anastasie ou du Marduel (dans le Gard), estimés de la fin du VIIe ou du VIe siècle av. J.-C., sont caractéristiques de cette première manière.
À la fin du premier âge du Fer, les héros assis en position du Bouddha, hiératiques, en prière et aux vêtements chamarrés, sont disposés dans un environnement d'expressions symboliques du monde et des puissances de l'Au-delà.
Ainsi à Roquepertuse (Bouches-du-Rhône), les statues sont complétées par un bestiaire (ensemble de l'iconographie animalière) naturaliste ou fantastique qui participe d'un discours cosmologique (relatif à la cosmologie, à l'étude des lois physiques de l'univers et à la métaphysique qui en découle) et eschatologique (relatif à l'étude des fins dernières de l'homme et du monde). Au centre de cet enseignement visuel doit culminer la notion de survie de l'âme supérieure, celle qui a résidé dans les crânes des ancêtres présents sous la forme de reliques et qui a pu se réincarner pour les plus valeureux d'entre eux. De tels sanctuaires avaient certainement valeur de lieux oraculaires (qui a qualité d'oracle, de prédiction) comme le suggèrent les pratiques rapportées par Nicandre de Colophon vers 150 av. J.-C. (ap. Tertullien, De anima, 57).
Diversité des cultes au IIe âge du Fer
Au second âge du Fer, l'archéologie observe une multiplicité des formes de cultes héroïques, selon les classes sociales concernées et le poids de la charge politique qui s'y rattache. Contrairement à la modestie de l'environnement des incinérations contemporaines honorées dans les habitats du Verduron ou de La Cloche (près de Marseille), c'est à l'évidence l'expression de la proximité d'une classe aristocratique qui prévaut à Entremont.
Les héros d'Entremont
À Entremont, les héros, guerriers en armes, entourés de leurs trophées, sont au centre ou à proximité de la représentation des membres de leur lignage aristocratique, dunastai (nom grec désignant, dans les sources antiques sur les Celto-Ligures, de puissants aristocrates, au pouvoir héréditaires) accompagnés de leurs familles. Le réalisme dans l'expression d'une classe sociale toute puissante va jusqu'aux détails des bijoux, des torques à tampons et des bottines en cuir lacées. Les personnages ne sont plus liés au socle de présentation comme auparavant, ce qui laisse supposer l'usage de supports spécifiques (piliers massifs ?) pour les exposer en position surélevée. Autour des héros, réels ou mythiques, les têtes-reliquaires des ancêtres ont disparu pour faire place à la figuration des familles aristocratiques vivantes ou à leurs proches ancêtres. La récupération de la puissance des héros par le pouvoir politique est ici complète.
L'atmosphère spiritualiste antérieure des sanctuaires s'est muée en une expression moins intemporelle et plus réaliste, image empreinte d'une connotation politique valorisante pour les familles dirigeantes.