Un baril en chêne rempli d’ossements de bovin, découvert à l’arrière de l’épave de la Dauphine, a fourni une exceptionnelle attestation du mode de conditionnement des viandes et des préparations culinaires du temps. Confiée à l’archéozoologue Philippe Migaud, l’étude a démontré que tous ces ossements appartenaient à un seul et même bovidé conditionné « sans pieds ny testes », comme le recommande dans ses prescriptions l’ordonnance de Louis XIV pour les armées navales et arcenaux de marine de 1689. 

Faut-il voir dans le conditionnement d’un unique animal dans ce baril une préparation bouchère opérée en mer plutôt qu’un avitaillement réalisé à terre ? On sait qu’il était d’usage que des animaux vivants soient chargés à bord des navires, dans des parcs à bestiaux aménagés dans l’entrepont. Périodiquement, en fonction des besoins, lorsque le fourrage manquait ou lorsqu’une bête était blessée ou anémiée, on était amené à abattre l’un des animaux du bord. Il fallait ensuite en saler les quartiers et les entreposer dans un baril. L’explication est tentante mais il faut la relativiser. La découverte, à proximité, de deux autres barils contenant des ossements de bovins présentant le même mode de découpe et des traces identiques, évoque en effet le travail d’un professionnel ayant œuvré à terre. Seule désormais la multiplication de données archéologiques de référence permettra d’apporter des constatations décisives sur les pratiques bouchères, à terre ou à bord, domaine pour lequel les archives sont muettes.