La Ville I, carrefour des influences

Il est possible de restituer, à grands traits, la trajectoire historique de ces productions. Sous cet aspect, les industries de la Ville I semblent tout entières tournées vers la Haute-Mésopotamie et le Levant nord : portées par les expressions culturelles de Ninive V et de la Plain Simple Ware (céramique métallique, Reserved Slip Ware, céramique peinte, Amuq G-H), ces influences s’expriment dans la présence de grandes lames cananéennes, débitées par pression au levier ou par percussion indirecte et dévolues à la fabrication de l’outillage agricole (armatures de faucille ou de planche à dépiquer/tribulum).

La diffusion de ces objets depuis le Haut-Euphrate, la Djézireh, le bassin du Khabour ou la vallée du Tigre – mais également leur imitation dans le cadre de la production locale – sanctionnent, entre 2900 et 2600 av. J.-C., le consensus technique qui s’établit depuis le monde transcaucasien jusqu’au Moyen-Euphrate. A une échelle plus large, ces mouvements d’objets et d’idées rejoignent une autre « globalisation » technique, le phénomène tabulaire, qui traduit la circulation en masse de grands éclats corticaux, depuis les marges désertiques de Jordanie jusque vers la haute vallée de l’Euphrate, via Mari.

La Ville II : une rupture technologique majeure

La transition de la Ville I vers la Ville II signe une rupture technologique majeure dans l’histoire des industries de Mari : autour de 2550 av. J.-C., les débitages de lames légères, exécutés au chasse-lames ou par pression debout, s’imposent dans tous les assemblages et perdurent, à travers les événements de la Ville III, jusqu’au premier quart du IIe millénaire. Leurs références puisent aux schémas développés en Basse-Mésopotamie depuis la fin du Ve millénaire au moins et qui ont connu, au fil des siècles, d’importants phénomènes de transformation et de propagation, à la faveur de l’expansion du modèle culturel urukéen ou du succès des cités-états suméro-akkadiennes.