De la même manière que pour le transport des troupes, celui du matériel fit appel à des unités de tailles diverses, réquisitionnées ou fabriquées en vue du Débarquement.

Les navires océaniques

LST, cargos et Liberty ships

À partir de 1942, les Alliés développent un vaste programme de construction de grands bâtiments de débarquement. Les plus grands sont les Landing Ship Dock (140 m de long) et les plus connus les Landing Ship Tank (LST). Les fameux Liberty ships, dont 2 751 sont construits entre 1941 et 1945 aux Etats-Unis, sont quant à eux des cargos fabriqués rapidement (70 jours en moyenne), notamment à partir d’éléments préfabriqués. 236 d’entre eux participent à l’opération Neptune. Des cargos existants sont également réquisitionnés en complément. Aujourd’hui, 6 cargos, 2 LST et 3 Liberty ships en lien avec le débarquement de Normandie reposent sur les fonds de la Baie de Seine.

Un LST difficile à identifier

Les Landing Ship Tank (LST) sont des cargos d’environ 100 m de long, pouvant à la fois traverser l’Atlantique ou la Manche et débarquer des véhicules sur les plages. Ils s’échouent sur les plages, déchargent à marée descendante, grâce à leur étrave qui s'ouvre, et repartent avec la marée haute. 236 LST ont été utilisés durant le Jour J. Une épave, appelée "Carbonel" ou "barge aux chars" par les plongeurs normands, est généralement interprétée comme le LST 523. Construit en 1943, ce dernier sauta sur une mine le 19 juin 1944, alors qu’il se rendait vers Utah Beach pour y débarquer une cargaison de camions, jeeps et 15 t de dynamite, avec 201 hommes à son bord. Pourtant, cette épave ne se trouve pas dans la zone connue pour cet accident. Les dimensions de ce site (près de 100 m de long) et la cargaison encore visible (chars et jeeps) encouragent à l’interpréter comme un autre LST, à ce jour non identifié.

Le Charles Morgan

Le Charles Morgan, construit en 1943 à Houston (Texas), est un Liberty ship de conception standard, mesurant 134,5 m de long et pouvant transporter 9 146 t de chargement. Affecté aux opérations du Débarquement dès le Jour J, il est victime d’une bombe aérienne le 10 juin, alors qu'il vient de débarquer sa cargaison à Utah Beach. Après un essai infructueux de remorquage, il sera démembré dès le 13 juin, puis ferraillé après-guerre. Une épave est souvent interprétée comme l’une des moitiés de ce Liberty ship, mais l’état actuel du site ne facilite pas l’identification. Une seconde épave, au nord de Graye-sur-Mer, pourrait quant à elle correspondre à un autre Liberty ship, le Charles W. Elliot. Le 28 juin 1944, après avoir déchargé du carburant à Juno Beach, celui-ci sauta sur deux mines, au mouillage. Les deux portions du navire furent remorquées dans des eaux plus profondes avant que l’étrave ne soit bombardée par les Allemands.

 

Les Landing Crafts et Landing Barges

Des archives précieuses

Les grands navires étaient complétés de nombreuses unités plus réduites, dites Landing Crafts (mesurant jusqu’à 60 m de long) et Landing Barges (mesurant jusqu’à 30 m de long). Plus d’une trentaine de petites unités de transport de matériel sont encore conservées sur les fonds de la Baie de Seine. Il est possible de proposer, pour nombre d’entre elles, une identification, en comparant le plan des sites avec un document d’archive émis par l’US Navy le 7 avril 1944. Celui-ci dresse une sorte de catalogue de ces unités, type par type, et consigne pour chacune dimensions, plan et coupe. Ce document constitue une source précieuse pour identifier les épaves. Les dimensions et le plan de toutes les unités de débarquement qui ont fait l’objet d’un enregistrement acoustique au cours des campagnes de vérification menées par le DRASSM lui ont été confrontés.

Identifier une barge

Une épave située dans le secteur du Banc du Cardonnet était autrefois signalée comme un « chaland de type LCT », une péniche de débarquement de chars d'assaut. Localisée de manière peu précise dans la base de données du SHOM, l’épave a aisément pu être retrouvée à partir de l’image sonar obtenue en 2013 par Andy Sherell. La forme des vestiges et surtout les dimensions déduites d’un second levé effectué en 2018 par le DRASSM permettent de ré-interpréter ce site comme une barge de plus petite taille, de type LBE, LBV ou LBF, construites sur des plans similaires. L’expertise en plongée peut permettre de compléter cette première analyse. Les aménagements internes d’une barge ou sa cargaison peuvent par exemple l’identifier à coup sûr comme une barge de transport, chargée d’éléments préfabriqués d’un pont Bailey ou utilisée pour débarquer un blindé sur les plages.

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