Hommes et femmes du sel

Le travail des sauniers celtiques répond à une répartition des tâches fondée sur le genre. Ainsi, les travaux de traitement préalable de la saumure sont manifestement réalisés par les femmes adultes, qui y ont perdu régulièrement certains de leurs éléments de parure, comme des anneaux massifs en roche noire, ou plus exceptionnellement des perles d’ambre.

Les hommes sont plutôt affectés à la construction et à l’entretien des fourneaux. Ils ont laissé à proximité des zones de travail des pics en bois de cerf, qui devaient servir au creusement des chambres de chauffe ou au renouvellement des grilles de chargement des moules à sel.

Les types de parures perdues par les saunières sont associés à des tombes de statut social dominant dans les nécropoles de tumulus alentours, comme à Haroué « Bois de Voivre » ou à Clayeures « La Naguée » (Meurthe-et-Moselle). Leur présence indique qu’une population de statut privilégié exploitait les ateliers de sauniers de la période celtique.

Bijoutiers, forgerons et tisserands

La fouille du secteur d’atelier de « la Digue » à Marsal a fourni une ébauche de ces gros anneaux à section en D, qui montre que ces parures pouvaient être fabriquées sur place. Plusieurs des éléments abandonnés ou perdus dans le secteur des bassins avaient d’ailleurs fait l’objet de réparations, sans doute effectuées sur place. La provenance de la matière première, extraite de roches calcaires à marneuses, demeure inconnue.

À Salonnes « Burthecourt », un creuset en terre cuite, ainsi que des scories de forge et des battitures, ont été découverts dans le secteur d’habitat jouxtant l’atelier de sauniers. Ces vestiges d’activité métallurgique indiquent que les sauniers du VIe s. av. J.-C. produisent des petits objets en bronze ainsi que des objets finis en fer, à partir de matière première importée. Le secteur d’atelier de « Burthecourt » a livré également des fusaïoles, ainsi qu’un poids de métier à tisser. Le filage et le tissage étaient donc pratiqués également par les communautés de sauniers.

Deux dépôts de lingots de fer proviennent de la grande accumulation de briquetage du bourg de Marsal. Ils étaient constitués de pièces de type bipyramidal : le premier dépôt contenait un ensemble de huit lingots disposés côte à côte, tandis que le second regroupait une série de 19 pièces arrangées en quinconce sur deux rangées. Cette découverte confirme que du fer brut parvenait sur les sites de production de sel de la vallée de la Seille au cours de l’âge du Fer.

L’alimentation des sauniers

Les communautés de sauniers celtiques cultivent cinq espèces de blé, dont en particulier l’orge vêtue, mais aussi l’épeautre, l’amidonnier, le millet et l’engrain. Ce sont des espèces rustiques, adaptées aux sols ingrats et résistantes aux écarts climatiques. Les sauniers produisent également des lentilles en hiver, ainsi que des plantes oléagineuses, comme la caméline et le pavot somnifère. Les produits de l’agriculture sont complétés par la cueillette des noisettes, des prunelles et des fraises des bois.

Les sauniers consomment principalement du bœuf, du porc et du mouton ; tandis que le cheval et le chien sont consommés de manière marginale. La présence exceptionnelle du coq est attestée dans l’atelier du « Pransieu A2 » à Marsal. Les analyses isotopiques du soufre et du strontium montrent qu’une partie du bétail – en particulier comme les cochons – pouvaient être d’origine non locale.

Les restes abandonnés à l’emplacement des ateliers de sauniers sont des déchets de boucherie, liés à la préparation des carcasses. Les parties riches en viande (comme l’épaule ou le jarret) sont généralement absentes ; tandis que celles qui en comportent le moins sont les mieux représentées – comme les bas de pattes et les éléments de rachis ou du crâne.