Saumures et salaisons

Jusqu’au XVIIIe siècle, à partir duquel se développe l’usage alimentaire du sel dit « de cuisine », la plus grande part de la production de sel sert à la conservation des aliments par salaisons. On sale essentiellement des viandes mais aussi beaucoup de poisson. Pour les viandes, il faut compter un apport d’au moins 10 % du poids de viande à saler en sel (soit pour un cochon de poids moyen au moins 5 à 6 kilogrammes de sel).

On sale également des produits laitiers (comme le beurre et le fromage, qui se conservent plus longtemps). Au Moyen âge, on compte une livre de sel pour 10 de beurre, et 5 à 10 % de sel ajouté dans le fromage. On produit enfin des saumures, qui permettent de conserver des aliments (comme les légumes) dans une solution salée.

Nous ne disposons pas d’estimations précises des quantités de sel employées pour les salaisons. Au Moyen âge, elles absorbent à partir du XIIIe siècle entre 50 et 60 % du sel produit.

Le sel de cuisine

L’emploi du sel pour assaisonner les aliments correspond à un usage qui concerne qu’une faible part de la production. Pour les sociétés pré-industrielles européennes, on estime qu’une quantité annuelle de 3,5 à 4 kilos était introduite artificiellement dans le régime alimentaire de chaque individu.

Nous ne disposons pas d’estimations comparables pour l’Antiquité. Dans son De Agricultura, l’auteur romain Caton l’Ancien indique qu’une quantité d’un modius de sel (c’est-à-dire 8,75 litres, soit environ 7 kilos) par personne et par an était nécessaire à l’entretien de la communauté des esclaves d’un petit domaine agricole. C’est un chiffre qui prend sans doute en compte l’entourage familial de la main-d’œuvre servile.

Le sel dans l’artisanat et la manufacture

Il s’agit là d’usages marginaux du sel, en quantité, qui représentent moins de 10 % de la masse de sel produit. Ils sont souvent d’une grande importance économique et technique.

  • Pour le tannage : on utilise le sel pour ses vertus déshydratantes et conservatrices, qui protège les peaux de la putréfaction. Le tannage exige 25 à 50 % du poids des peaux en sel ; on utilise un gros sel, différent du sel de consommation.
  • Pour la verrerie : le sel est utilisé pour sa capacité à abaisser le point de fusion des silicates ; il rend alors la manipulation du verre plus facile.
  • Pour la sidérurgie : on utilise les propriétés décapantes du sel, qui facilite les soudures.
  • Pour l’orfèvrerie : on utilise enfin les propriétés ionisantes du sel, pour transférer un métal sur un autre (par exemple pour argenter ou étamer du cuivre).

Le sel et la médecine

Les propriétés thérapeutiques du sel sont reconnues dès l’Antiquité, notamment par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle. Les Romains utilisent les bains salés pour guérir les maladies de peaux et les affections du foie et des voies respiratoires.

Au Moyen Âge, le sel est utilisé le plus souvent pour des emplâtres, des poudres ou des bains ; il aide à soigner les entorses et les fractures, et calme les inflammations. Son pouvoir desséchant est utilisé également pour désinfecter les plaies. On s’en sert aussi à la chasse, pour guérir les chiens mordus par les animaux sauvages en les plongeant dans des bains d’eau salée.