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- De la saumure au sel
Un travail en série
L’argile extraite pour la fabrication des fourneaux à sel et la production de céramique domestique présente la même signature géochimique, qui correspond à des terres locales, extraites des formations d’argile marneuse du substrat de la vallée. Les communautés de sauniers celtiques de la vallée de la Seille comportaient donc également des potiers, ou des potières.
Les éléments techniques entrant dans la construction des fourneaux – comme en particulier les barres de support de chargement et les moules à sel – étaient modelés en série, tandis que leur surface externe était couverte d’un revêtement d’herbes. Cette couverture, destinée à éviter que les pièces ne collent entre elles, facilite la production en série. Ces revêtements végétaux ont été obtenus en grande partie à partir de déchets de traitement de récoltes de céréales, incluant l’orge vêtue, le blé et l’épeautre. Les sauniers étaient donc probablement polyvalents, et travaillaient du moins en relation étroite avec les agriculteurs.
Le traitement de la saumure
La saumure de la vallée de la Seille est chargée en éléments provenant des couches sédimentaires traversées par la circulation descendante des eaux de surface, puis montante de l’eau salée. Ce sont surtout des carbonates et des sulfates de calcium issus des formations de calcaire et de dolomie qui recouvrent la couche de sel gemme. Ces éléments sont les premiers à se précipiter lorsque la saumure est mise à évaporer ou à chauffer, et devaient donc être éliminés.
Les cristaux de sel ne se précipitent que lorsque la saumure a été réduite d’un facteur 9. C’est à ce moment qu’ils doivent être extraits, avant que la réduction de la saumure ne fasse se précipiter les sels de magnésium, qui sont impropres à la consommation.
La production du sel devait donc se faire en quatre à cinq étapes successives :
- Une étape de puisage de la saumure, probablement à partir de puits cuvelés ;
- Une étape de concentration, pour porter la saumure à saturation (300 grammes/litre) ;
- Une étape de dégraissage des précipités issus du calcaire ;
- Une étape d’extraction des cristaux de sel ;
- Une étape éventuelle de conditionnement des cristaux en pains de sel.
Pour chaque bassine d’une contenance d’environ 30 litres, une quantité d’environ 9 kilos de sel pouvait ainsi être obtenue.
Le travail aux fourneaux
Les fourneaux à saumure étaient alimentés en bois de chauffage constitué principalement de charme, de hêtre et de chêne. D’autres espèces de milieux ouverts ont été exploitées, comme l’érable champêtre, le frêne ou le noisetier. Les sauniers ont également brûlé du pommier ou du poirier, comme de l’aulne, du saule ou de l’orme, en récoltant du bois autour de leurs ateliers.
Une fois allumés, les fourneaux à saumure pouvaient fonctionner sans interruption durant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Au fur et à mesure l’évaporation de l’eau salée, leurs bassines étaient régulièrement alimentées en saumure à saturation à partir de réservoirs imperméabilisés à l’argile, implantés à proximité.
L’analyse géochimique des fourneaux à saumure du « Pransieu » à Marsal a montré qu’ils ont fonctionné en atmosphère réductrice à température très stable (supérieure à 600°) pendant des laps de temps prolongés. L’analyse archéomagnétique des parois de four confirme pour sa part une chauffe du foyer des fourneaux à plus de 550°.
L’extraction du sel de la saumure
La chaleur était néanmoins moins élevée au niveau du chargement des fourneaux. Les bassines à saumure étaient soumises à une température comprise entre 100 et 550°, qui assurait l’évaporation de l’eau salée. Les formes à sel, dans lesquelles étaient conditionnés les pains de sel, n’étaient chauffées qu’à des températures aux alentours de 250° : elles ont été constatées par l’analyse archéomagnétique des grilles de barres en terre cuite supportant les chargements de forme à sel.
Durant la chauffe de la saumure, le sel contenu dans l’eau salée a provoqué des formations de vitrification sur les éléments en terre cuite. Un verre sodique s’est formé par réaction de l’argile et du sel sur les parties supérieures des installations. Des verres sodo-calciques, plus riches en chaux, se sont constitués en revanche au contact des cendres, sur les parois, dans la partie inférieure des fourneaux.
Au bout d’un certain temps d’utilisation, les bassines à saumure devaient être remplacées. Leurs parois internes sont fréquemment encroûtées d’un dépôt calcaire blanchâtre, qui provient de précipitations de carbonate de calcium contenu dans la saumure. On remarque également un enrichissement en phosphore, sodium et magnésium, qui se précipitent lors du chauffage de l’eau salée. En général, les éléments de briquetage – et notamment les bassines – sont enrichis en strontium, présent en concentration élevée dans la saumure de la Seille.