Restituer un bâtiment de quelque 300 salles et cours, construit en briques crues, conservé sur 5 m à certains endroits, sur quelques dizaines de centimètres seulement à d'autres, peut paraître relever de la gageure.

La restitution d'un palais du début du IIe millénaire av. J.-C.

L’objectif de cette présentation est de restituer le palais en montrant les secteurs administratif et religieux, le secteur officiel, lieu de représentation du roi et aussi sa demeure privée. L'organisation et l'articulation des différents secteurs sont montrées par un choix représentatif de perspectives d'ensemble, de vues rapprochées et de coupes. Ce palais est emblématique non seulement de la Ville III de Mari, mais encore de tout le bassin syro-mésopotamien du début du IIe millénaire av. J.-C.

Une tâche essentielle est de rendre à l’édifice son apparence ancienne réelle par la restitution des volumes initiaux, disparus lors de la ruine du palais, volontairement détruit à la masse par les soldats d’Hammurabi. C’est par l’établissement de tous les indices concernant l’élévation – les hauteurs et les épaisseurs des murs, les traces d’escaliers et de rampes, les stratigraphies des zones d’effondrement, les sources de lumière, les modes de prise de jour – qu’un résultat probant peut être atteint.

L’utilisation du décor peint

Les restitutions des scènes peintes dans la salle de réception privée du roi à l’étage (secteur F) et des compositions hautes de la cour 106, spatialement contraintes par les modules des personnages, qui s’échelonnent de la grandeur nature (h. 1,60 m) à un format miniature (h. 45 cm), ont contribué à établir les hauteurs originelles sous plafond, et même l’organisation des circulations à l’étage : la rareté, à certains endroits, des fragments peints y signifiant la présence d’une porte.

L'organisation de l’étage du palais

L’image obtenue est de grand intérêt, car on observe une véritable spécialisation de quartiers bien délimités à l’étage : appartements du roi et de la reine, zones d’archivage de la correspondance, emplacement des différents bureaux. Le système de relation qui unit le rez-de-chaussée et l’étage et les différents quartiers entre eux montre aussi une rationalité remarquable.

Des études architecturales à la 3D en passant par les maquettes

Cette production collective, qui a associé archéologues, architecte, directeur artistique et spécialiste en restitution archéologique constitue l'ultime étape d'une longue démarche.

Ce sont bientôt neuf décennies de fouilles (André Parrot 1934-1937) et d'études architecturales (Jean-Claude Margueron depuis 1970) qui sous-tendent ce travail.

Une restitution virtuelle condense – dans un nombre forcément limité de visualisations – une somme énorme de données archéologiques. Grâce à d'incessantes analyses et réflexions, la ruine devient un édifice doté d'un étage, subdivisé en secteurs fonctionnels bien cernés, d'un système de contrôle des circulations et d'aménagements de la vie quotidienne bien pensés. Une telle intelligence architectonique et organisationnelle n'a rien à envier à celle des époques modernes.

Les deux maquettes au 1/100e réalisées en 1990-1992, l'une de la ruine (en exposition permanente au musée du Louvre), l'autre de la restitution, ne permettaient pas de percevoir simultanément le volume externe et l'organisation intérieure du bâtiment. Les perspectives et les écorchés, œuvre de l'architecte Nicolas Bresch, y sont parvenus avec succès mais n'ont pas couvert l'ensemble du bâtiment. C'est chose faite avec la 3D qui offre un résultat inégalé jusque là pour un monument d'une telle ampleur et d'une telle complexité.

La réalisation

Le modèle 3D généré est une source de réflexion qui permet la production de nombreux documents :

Les prolongements possibles

Malgré l'apport pédagogique des résultats obtenus, ceux-ci ne prétendent pas avoir fait le tour de la question, d'autant plus que la dynamique insufflée par ce travail a mis l'accent sur des pistes encore insuffisamment défrichées. Bien des points étudiés, comme les aménagements hydrauliques ou la continuité stratigraphiques avec la zone des temples du bâtiment sous-jacent de Ville II, n'ont pas donné lieu à des réalisations concrètes suffisamment explicites : cette réalisation, qui s'est organisée en trois groupes d'images – une vidéo, des coupes et des vues rapprochées – n'a pas épuisé un potentiel de recherche qui ne demande qu'à être encore exploité.

De façon plus générale, la dimension spatiale a été dominée, mais la dimension temporelle – très difficile pour ce type d'exercice et qui n'était pas l'objectif prioritaire – a été éludée. Enfin, un maximum de mobilier aurait pu être replacé dans ces espaces, mais cela aurait impliqué un coût budgétaire qui n'avait pas été mesuré. En définitive, pas plus qu'un autre moyen la 3D ne parvient à rendre compte de la totalité de la réalité antique, souhait qui demeure utopique.

Un partenariat scientifique et technique

La restitution du Grand Palais Royal de Mari s'inscrit dans le cadre du projet Monuments d'Orient, soutenu par le Labex Les Passés dans le Présent, en partenariat avec le laboratoire Archeovision

 

 

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