La Syrie du Sud est restée pendant des siècles à l’écart des trajets des voyageurs occidentaux. 

Au XVIIIe siècle

Dès la Renaissance, pourtant, des voyageurs européens ont entrepris de très longs périples incluant les régions du Levant, mais les centres d’intérêt majeurs étaient la Grèce, la Turquie, centre du pouvoir ottoman, l’Iran, les Lieux saints de Palestine et l’Égypte. Ceux d’entre eux qui ont visité le Liban et la Syrie et publié des ouvrages sur leurs voyages, comme H. Maundrell (1706), M. de la Roque (1717) et P. Lucas (1720) ont surtout décrit des villes, comme Alep et Damas, ainsi que des sites majeurs comme Baalbek. Leur intérêt principal s’est porté vers les curiosités remarquables et les mœurs des habitants de ces pays.

Ces récits de voyageurs ont rarement un intérêt archéologique dominant. Cet intérêt s’est développé dans le courant du XVIIIe siècle, mais les premières grandes publications de voyageurs apportant des informations graphiques sur les antiquités n’ont pas concerné la Syrie du Sud. Ce sont les ouvrages des Anglais R. Pococke (1743- 1745), R. Wood et H. Dawkins (1753, 1757), puis des Français M. C F. Volney (1787) et L.-F. Cassas (1799), qui ont en particulier fait connaître les antiquités de Baalbek et de Palmyre.

C’est seulement au début du XIXe siècle que nous avons un témoignage des premières visites de voyageurs européens en Syrie du Sud : l’Allemand U. J. Seetzen en 1805, le Suisse J.-L. Burckhardt en 1810 et 1812, l’Allemand O. F. von Richter en 1815, l’Anglais J.-S. Buckhingham en 1816 décrivent un site largement ruiné dans lequel des édifices antiques sont identifiables. L’anglais W. J. Bankes visita la région en 1816 et 1818 et en rapporta une précieuse documentation graphique qui est restée inédite jusqu’en 2004 (voir Sartre-Fauriat 2004). En ce qui concerne Bosra, Bankes a laissé un croquis coté du plan de la ville, le premier attesté, qui situe les principaux bâtiments antiques visibles. Il a relevé avec une précision d’architecte ce qui était visible du théâtre, le plan de la porte Ouest, le plan de l’arc central et dessiné des vues pittoresques mais précises du carrefour central (n° 18, 19), de la tour funéraire située à l’ouest et d’une grande maison urbaine à étages.

Parmi les ouvrages des nombreux voyageurs et amateurs d’antiquités qui ont ensuite visité Bosra dans le courant du XIXe siècle, il faut citer ceux de L. de Laborde (1837), qui a publié plusieurs dessins des ensembles antiques les plus importants de la ville, notamment une « vue générale de la ville et du château » et de J.-L. Porter (1855), qui a proposé un plan schématique et régularisé de la ville avec ses principaux édifices.

La publication de E. G. Rey (1860) est plus riche : non seulement il a proposé un nouveau plan plus juste et plus complet de la ville et de belles vues panoramiques du centre-ville et du « château » (citadelle), mais il a publié une coupe de l’état du théâtre avec les installations d’époque islamique à l’intérieur, le premier plan de l’église des saints Serge, Bacchus et Léonce et de la mosquée d’Omar.

Melchior de Vogüé (1865-1877) a repris et complété le plan de l’église des saints Serge, Bacchus et Léonce et publié un précieux dessin panoramique de l’état de cette église au XIXe siècle ainsi qu’une coupe restituée. Son dessin de l’intérieur du cavea du théâtre n’a qu’un intérêt pittoresque.

La plupart de ces savants voyageurs ont relevé des inscriptions grecques, latines et parfois arabes. W. H. Waddington, qui a visité la Syrie en 1861-1862, est le premier à avoir recueilli un corpus général des inscriptions grecques et latines, copiées et publiées avec un soin remarquable (1870).

Aux XIXe et XXe siècles

À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, ces voyages de savants sont devenus des expéditions scientifiques et la photographie a accompagné le dessin. On peut citer les publications de S. Merrill (1876), M. von Oppenheim (1899), Heber-Percy (1895), N. P. Kondakov (1904), dans lesquelles sont publiées des photographies de Bosra. Les archéologues allemands R. Brünnow et A. von Domaszewski (1909), dans leur ouvrage sur la province d’Arabie, sont les premiers à avoir publié une monographie sur Bosra avec des photographies et des dessins cotés d’architecte. Ils se sont intéressés non seulement aux édifices romains et chrétiens, mais également aux mosquées, à la citadelle et aux réservoirs. Une véritable étude est consacrée au théâtre. C’est le premier ouvrage vraiment scientifique sur Bosra.

La deuxième étude scientifique du site est presque contemporaine de la précédente. Elle est due à une équipe d’archéologues et d’épigraphistes de l’Université de Princeton (USA), qui a réalisé trois missions d’exploration et d’étude en 1899-1900, 1904-1905 et 1909 sous la direction de H. C. Butler. En utilisant, sans les reprendre, les nombreuses informations données par Brünnow et Domaszewski, les archéologues américains ont fait des relevés, des restitutions et conduit des recherches beaucoup plus complètes que leurs collègues allemands, sans fouilles cependant. La plupart des monuments conservés ont été dessinés, photographiés et décrits. Ils sont classés par périodes et par types. Un nouveau plan d’ensemble beaucoup plus précis accompagne la publication. Bien que vieilles de près d’un siècle, les monographies allemandes, et surtout américaines, sont d’un intérêt inestimable.

Ces archéologues et épigraphistes ont vu le site dans un état ruiné, mais plus complet que lorsque la réoccupation moderne s’est intensifiée. En revanche, ils n’ont vu que ce que les occupations anciennes et les amoncellements de blocs leur permettaient de voir. Avec la période des dégagements, fouilles et restaurations de la deuxième moitié du XXe siècle s’est ouverte une phase nouvelle dans la connaissance de la Bosra ancienne.