Avant la création de la province d’Arabie

Les cultes présents à Bosra avant la création de la province d’Arabie sont mal connus. Aucun sanctuaire n’est sûrement localisé, même s’il existe une forte probabilité pour que la cour d’époque nabatéenne découverte sous la grande église à plan centré du quartier de l’Est ait fait partie d’un sanctuaire.

Les divinités de Bosra sont identifiées comme telles soit parce qu’elles sont mentionnées dans les inscriptions de la ville soit parce qu’elles sont qualifiées de «dieu/déesse de Bosra» dans des inscriptions provenant d’autres sites de Nabatène. Ces derniers sont Tell Ma‘az dans le Hauran même, qui a livré un «Dûsharâ A‘râ dieu de notre maître qui est à Bosra», Pétra, où on a retrouvé un «dieu de Bosra» sur le chemin du Deir, wadi Ramm, dont un relief taillé dans une niche est qualifié de «Allât la déesse qui est à Bosra», Madâ’in Sâlih enfin, dont un bétyle est légendé «A‘râ qui est à Bosra, le dieu de Rabbel».

Si on ajoute à ces textes les inscriptions provenant de Bosra, on obtient la liste de divinités suivantes : Al-‘Uzzâ, Dûsharâ, Dûsharâ A‘râ, Allât, le dieu syrien Ba‘alshamîn, le dieu édomite Qôs et enfin des dieux dont l’identité n’est pas connue car ils sont seulement qualifiés de «dieu d’Untel». D’autres sources d’information, telles que les monnaies et plus rarement l’iconographie, complètent les informations dont nous disposons sur les cultes.

La religion nabatéenne

Pour ce qui est du domaine arabe nabatéen, le dieu Dûsharâ (Dusarès pour les Grecs) tient une place dominante, en particulier sous la forme Dûsharâ-A‘râ, c’est-à-dire Dûsharâ «qui est oint», voire A‘râ tout seul. Dieu des Nabatéens de Pétra, Dûsharâ s’installa dans le Hauran au moment de l’expansion nabatéenne vers le nord, au Ier siècle av. J.-C. Deux dédicaces à Dûsharâ ont été trouvées à Bosra, dont l’une à «Dûsharâ et aux autres dieux de Bosra». À côté de Dûsharâ, la grande déesse arabe al-‘Uzzâ, la «Forte», est qualifiée à deux reprises de «déesse de Bosra» dans des inscriptions de la ville. 

La religion nabatéenne était originellement aniconique. Les divinités étaient représentées sous la forme de pierres dressées sur des plateformes. Cet objet de culte figure précisément sur certaines monnaies de Bosra d’époque romaine, ce qui atteste la survivance ou la reprise de ce culte arabe plus ancien : sur une estrade accessible par quelques marches, trois bétyles sont dressés et surmontés d’objets qui sont sans doute des offrandes. On peut supposer que Dûsharâ, maître du ciel et dieu dynastique, faisait à Bosra l’objet d’un culte organisé dans un cadre monumental et politiquement soutenu.

Allât, la grande déesse arabe, vénérée de l’Arabie méridionale jusqu’à Palmyre, fut également la déesse de Bosra. C’est ainsi qu’elle est qualifiée dans les plus anciennes inscriptions du sanctuaire de wadi Ramm, associées à un bétyle en relief. Son assimilation à la déesse grecque Athéna est certaine et bien attestée et le culte d’Athéna-Allât est présent dans toute la région. On peut d’ailleurs noter que la première Tychè poliade représentée sur les monnaies romaines de Bosra au IIe siècle prend précisément la forme d’une Athéna.