Les grands herbivores présents dans le remplissage de la Caune de l’Arago varient dans la stratigraphie suivant les différentes occupations.

Ces grands herbivores sont la base de l’alimentation des grands prédateurs et des Hommes. Les restes découverts dans les fouilles attestent la consommation de ces animaux, consommation généralement humaine.

Les éléphantidés

Les éléphantidés quaternaires se divisent en deux groupes : le premier comprend les éléphants antiques connus en Europe depuis la fin du Pléistocène inférieur, à l’origine des formes fossiles naines insulaires de Méditerranée ; le second représente la lignée des mammouths, Mammuthus meridionalis laissant sa place à Mammuthus trogontherii vers 800 000 ans. Vers 200 000 ans, l’espèce la plus connue et la plus évoluée est Mammuthus primigenius dont on a retrouvé des cadavres congelés et extrêmement bien conservés dans les pergélisols de Sibérie. Les différents représentants de la lignée des mammouths se différencient notamment par la hauteur des dents, leur nombre de lames d’émail et la forme des défenses. 

Les restes dentaires très fragmentés de l’ensemble I de la Caune de l’Arago sont attribués au mammouth, Mammuthus trogontherii. Quelques restes d’éléphantidés ont été découverts à la Caune de l’Arago dans le sol G. Il s’agit de plusieurs esquilles d’os longs, d’un petit fragment de la première dent de lait et d’un morceau de défense. Ces restes fragmentaires sont attribués à l’éléphant, Palaeoloxodon antiquus.

Les équidés

La famille des équidés apparaît dans l’Éocène d’Amérique du Nord. Le genre Equus apparaît vers 2,5 Ma en Europe. Les tendances générales de l’évolution des équidés sont notamment : l’augmentation de la taille, la perte des doigts latéraux et l’accroissement de la couronne des dents en réponse à un régime alimentaire composé presque exclusivement de végétaux herbacés. Au début du Pléistocène, la famille regroupe plusieurs espèces proches des hémiones et des zèbres. Les chevaux caballins migrent en Europe vers 800 000 ans.

Le cheval, Equus mosbachensis de la Caune de l’Arago est un des premiers caballins en Europe. Il est présent dans tous les niveaux de la Caune de l’Arago mais inégalement représenté. Dans le sol G plus de 200 individus sont dénombrés. Ce cheval s’est adapté à des conditions assez rigoureuses comme le montre son museau, assez court et large.

Les rhinocérotidés

La famille des rhinocérotidés est apparue dans l’Eocène supérieur d’Asie. Les rhinocérotidés quaternaires appartiennent en général au genre Stephanorhinus. Le rhinocéros laineux Coelodonta antiquitatis migre vers l’ouest de l’Europe vers -200 000 ans. Si les premiers, plus inféodés à des steppes ou à des prairies arbustives, le second est bien adapté à la steppe, caractéristique des périodes glaciaires du Pléistocène supérieur. 

Les restes de rhinocéros de prairie, Stephanorhinus hemitoechus sont relativement abondants à la Caune de l’Arago et en font l’un des gisements les plus riches du Pléistocène moyen. Stephanorhinus hemitoechus apparaît vers -600 000 ans dans les faunes du Pléistocène moyen et persiste jusqu’au dernier glaciaire. Il présente une grande taille et ses dents possèdent une couronne assez haute adaptée à la consommation de végétaux abrasifs, comme les graminées. Ces restes sont répartis sans hiatus sur l’ensemble de la stratigraphie.

Les suidés

À l’origine, les suidés ne sont connus que dans l’Ancien monde (en Europe au Miocène supérieur). Si cette famille est très riche et diversifiée en Asie et en Afrique, elle l’est peu en Europe durant le Quaternaire. Le sanglier est un animal plutôt caractéristique des forêts tempérées. Il est plus abondant dans les niveaux interglaciaires. 

Pour des raisons climatiques, le sanglier, Sus scrofa est rare à la Caune de l’Arago. Les éléments de sanglier découverts dans les niveaux supérieurs sont comparables au sanglier actuel.

Les cervidés

Les cervidés portent des bois qu’ils perdent chaque année. Ils repoussent rapidement, plus importants. Les cervidés sont très variés au début du Quaternaire mais ils disparaissent et sont remplacés par les cervidés modernes au début du Pléistocène moyen. Le cerf élaphe, Cervus elaphus est présent en France dès le Pléistocène moyen ancien. Les bois de cerfs découverts dans la Caune de l’Arago, possèdent deux grands andouillers à la base fortement courbés. Le cerf de la Caune de l’Arago est très robuste et à su s’adapter à des conditions très rigoureuses. D’une façon générale son expansion suit le développement de la forêt, il est surtout représenté dans l’ensemble II plus tempéré (stade isotopique 13).

Le daim de Clacton, Dama clactoniana est très grand et ses bois présentent un très fort andouiller de base, un bouton proéminent et une palmure plus étroite que le daim actuel Dama dama. Le daim de Clacton s’est répandu en Europe dans les sites méditerranéens, en Espagne (Atapuerca) et en Italie (Isernia), depuis le Pléistocène moyen ancien. On le retrouve également dans les dépôts interglaciaires du Pléistocène moyen, dans le Massif Central, en Angleterre ou en Allemagne. Le daim est caractéristique des zones humides et forestières, raison pour laquelle on le retrouve essentiellement à la Caune de l’Arago dans l’ensemble II du complexe moyen, plus tempéré (stade isotopique 13).

Contrairement au cerf qui présente des bois ornementés, les bois du renne sont lisses et les femelles en portent aussi. Cette espèce est particulièrement bien adaptée au froid. Le renne, Rangifer tarandus  est reconnu en Europe au Pléistocène moyen ancien dans les dépôts de Süssenborn (Allemagne) mais la Caune de l’Arago représente sa dispersion la plus méridionale. Il apparaît dans la plupart des niveaux de la Caune de l’Arago sous une forme proche de la forme actuelle.

Les bovidés

Les bovidés sont caractérisés par la présence de cornes permanentes, constituées d’une cheville osseuse (prolongement du crâne) recouverte d’une gaine cornée. C’est la morphologie des cornes et des dents qui permet de les distinguer. Les premiers représentants des genres actuels sont connus depuis la fin du Pléistocène inférieur,  parmi ceux-ci les tahrs. Le tahr de Bonal, Hemitragus bonali est présent dans presque toute la séquence et disparaît vers -200 000 ans. Il est remplacé dans le complexe sommital par le tahr des Cèdres, Hemitragus cedrensis, plus rare (50 restes). Le tahr fréquente les zones rocheuses moyennement escarpées. Actuellement en voie de disparition, on compte trois espèces : deux d’Asie du Sud-Est (le tahr de l’Himalaya et le tahr de Nilgiri) et une de l’extrême sud de la Péninsule Arabique.

Le petit bison des forêts, Bison schoetensacki a migré vers l’Europe à la fin du Pléistocène inférieur. On le retrouve par exemple à la grotte du Vallonnet (Alpes-Maritimes). Dans le remplissage de la Caune de l’Arago, il est présent uniquement dans l’ensemble I du complexe moyen (stade isotopique 14). Ses chevilles osseuses sont courtes, plus plates et recourbées que celle de son successeur, Bison priscus. Ce grand bison des steppes possède des chevilles osseuses longues avec une base circulaire, des cannelures assez longues et réparties sur toute la surface. Ce bison découvert dans l’ensemble III du complexe moyen (stade isotopique 12) est caractéristique des paysages ouverts de type steppique.

Le boeuf musqué primitif, Praeovibos priscus est une espèce provenant de Sibérie, rare en Europe de l’Ouest. Elle est connue pendant une période relativement « courte » du Pléistocène moyen (stade isotopique 14 à 12), notamment en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Allemagne. Le site de la Caune de l’Arago est le plus méridional à avoir livré Praeovibos priscus. C’est aussi l’un des plus riches, présentant du matériel varié et abondant avec notamment un crâne bien conservé portant la cheville osseuse gauche. Ses chevilles divergent fortement vers l’extérieur et le bas et recouvrent une partie du crâne. Chez Praeovibos, les chevilles osseuses sont plus écartées que chez la forme actuelle Ovibos et les arcades sus-orbitaires très proéminentes.

L'argali, Ovis ammon antiqua

Le mouflon antique ou argali est particulièrement abondant, il s’agit de l’espèce la mieux représentée, avec le cheval, à la Caune de l’Arago. Présent dans tous les niveaux jusqu’à -400 000 ans, il est surtout abondant dans le sol F où l’on a pu dénombrer plus de 200 individus de forte stature. Très rare en Europe, la collection de la Caune de l’Arago apparaît comme une référence pour Ovis ammon antiqua.

L’isard, Rupicapra pyrenaica

Les différents fossiles de chamois de la Caune de l’Arago ont été découverts dans le sol F, soit vers -440 000 ans. C’est à ce jour la plus ancienne mention du genre Rupicapra en Europe occidentale.

Le bouquetin du Caucase, Capra aff. caucasica

Le bouquetin du Caucase, comme le tahr des Cèdres, est présent uniquement dans les brèches du complexe sommital. Cette espèce migre depuis les zones montagneuses du sud de l’Asie au début de la dernière glaciation (stade isotopique 5). L’évolution de cette lignée se traduit notamment par un redressement des chevilles osseuses.