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La datation des dépôts et du matériel de la Caune de l’Arago est effectuée par plusieurs méthodes.
La plus ancienne et sûre, mais relative, est la stratigraphie : la caractérisation des niveaux et la reconnaissance de leur superposition permet de définir la séquence sédimentaire (lithostratigraphie), qui est subdivisée à la Caune de l’Arago en 4 grands complexes stratigraphiques. Selon le principe de superposition, défini en 1669 par Nicolas Sténon, la couche la plus ancienne, la première déposée, est située à la base de la séquence, et la plus récente à son sommet.
La magnétostratigraphie se base sur la propriété de certains minéraux à se déposer selon l’orientation du champ magnétique au moment de la sédimentation. Comme ce champ magnétique terrestre s’est inversé à certaines époques, la reconnaissance de la direction du champ magnétique des dépôts du remplissage peut aboutir à le caler dans l’échelle magnétostratigraphique de la planète. À la Caune de l’Arago, l’ensemble des dépôts présentent une polarité normale, donc sont rattachés à la période de Brunhes et sont ainsi plus récents que 780 000 ans. Toutefois, de petites excursions ont été enregistrées, de durée plus courte que les inversions, et permettent de caler plus précisément le remplissage.
La biochronologie: les mammifères et en particulier les rongeurs vont évoluer pendant le Quaternaire. Les espèces fauniques découvertes dans chaque couche offrent une information importante sur l’âge relatif des dépôts. Par exemple, le Bison schoetensacki est remplacé par le Bison priscus en remontant dans la stratigraphie. De même, Hemitragus bonali cède la place à Hemitragus cedrensis dans le complexe stratigraphique sommital, etc. Ces informations de biostratigraphie, corrélées avec les données obtenues dans d’autres sites, permettent donc de caler les ensembles de la Caune de l’Arago dans un cadre plus global.
De plus, les taxons ou espèces animales et végétales reconnues dans chaque ensemble, de même que le mode de mise en place des sédiments, permettent de caractériser les conditions climatiques du moment de dépôt. On peut alors paralléliser la séquence étudiée avec la courbe climatique synthétique du Quaternaire établie à partir de séquences continues, marines ou glaciaires. Cette courbe globale définit des “stades isotopiques” (SIM) pairs lors de périodes glaciaires, et impairs en période interglaciaire, comme l’actuelle numérotée SIM 1.
Enfin, les industries lithiques, et en particulier certains objets façonnés comme les bifaces, ou l’absence manifeste de la maîtrise du feu par la quasi-totalité des occupants de la grotte, orientent le diagnostic chronologique, par ethnostratigraphie, vers le Paléolithique inférieur et plus particulièrement l’Acheuléen, soit des âges de plusieurs centaines de milliers d’années.
Ainsi, la Caune de l'Arago est un site exceptionnel par sa stratigraphie de 16 m d’épaisseur. Les observations sur le terrain, l’analyse des sédiments et l’étude de leur contenu (grains de pollen et ossements fossiles) montrent que ce remplissage s’est effectué lors de différentes phases climatiques.
Pour schématiser, les sables ont été accumulés dans la grotte lors de périodes ventées et sèches, lorsque la végétation très clairsemée ne s’opposait pas à la mobilisation des alluvions de la plaine par le vent. Par contre, en période humide, la végétation fixait ces formations meubles et le remplissage de la grotte s’effectuait principalement par ruissellement à partir des alluvions du plateau au-dessus de la grotte.
De plus, les datations physico-chimiques obtenues par différentes méthodes (Uranium-Thorium, résonance de spin électronique, Aluminium-Béryllium, ...) permettent de donner des âges chiffrés à certains dépôts, en particulier à la calcite des planchers stalagmitiques qui enserrent le remplissage : 690 000 ans à la base et 95 000 ans au sommet.
La séquence de la Caune de l’Arago s’est donc déposée durant près de 600 000 ans, entre les stades isotopiques 17 et 5. Elle révèle une alternance de phases humides avant 560 000 ans, tempérées ou froides, et de phases sèches et froides d’une part, humides et tempérées d’autre part, entre 560 000 et 95 000 ans.
De manière un peu plus détaillée, le remplissage est subdivisé en 4 complexes stratigraphiques :
- Le complexe stratigraphique inférieur, connu par carottage, est constitué de dépôts accumulés lors de trois séquences climatiques distinctes, parallélisées aux stades isotopiques 17, 16 et 15, soit entre 690 000 et 560 000 ans. Ces phases sont représentées respectivement par un plancher stalagmitique, reposant sur le plancher calcaire de la caverne, renfermant un cortège de pollen typique d’une forêt tempérée et dénotant d’un climat tempéré humide daté d’environ 690 000 ans par résonance de spin électronique (RPE, ou ESR)(SIM 17), puis par des argiles limono-sableuses brunes amenées par ruissellement, contenant les témoins d’une forêt froide à sapin, bouleau, hêtre et illustrant un climat froid et humide (SIM 16), et enfin des argiles sableuses jaunes ruisselées renfermant des pollens de forêt tempérée et trahissant à nouveau un climat tempéré humide (SIM 15).
- Le complexe stratigraphique moyen, est le mieux représenté des trois complexes. Il comprend des dépôts rattachés aux stades isotopiques 14, 13 et 12, soit entre 560 000 et 420 000 ans environ. Les dépôts corrélés au stade isotopique 14 (ensemble stratigraphique I) consistent en des sables lités déposés par ruissellement à partir d’un stock issu de la plaine et accumulé par le vent, dans un paysage steppique parcouru, entre autres, par des troupeaux de renne (Rangifer tarandus), témoins d’un climat froid et sec. Ces dépôts font l'objet de l'essentiel des travaux actuels de fouille. Les sédiments corrélés au stade isotopique 13 (ensemble stratigraphique II) sont des limons argilo-sableux amenés par ruissellement, à partir des formations du plateau, lors d’une période tempérée humide bien mise en évidence par les grains de pollen caractéristiques d’une forêt tempérée et les espèces animales les mieux représentées qui sont le cerf (Cervus elaphus) et le daim (Dama roberti), pour celles d’apport anthropique. Les sables lités de l’ensemble stratigraphique III ont été apportés par le vent lors d’une période froide et assez sèche où le paysage ouvert à larges espaces herbacés semble bien convenir au cheval (Equus mosbachensis) et au bœuf musqué primitif (Praeovibos priscus). Daté de 450 à 420 ka par U-Th et RPE, il correspond au stade isotopique 12.
- Le complexe stratigraphique supérieur (ensemble stratigraphique IV et V), formé entre 420 000 et 95 000 ans, est constitué sur un mètre d’épaisseur par une alternance de planchers stalagmitiques, témoins de périodes tempérées et humides, et de sables limono-argileux, déposés lors de périodes plus froides et plus sèches. La sédimentation y est très condensée : le plus ancien des planchers stalagmitiques, daté de 400 000 ans, correspond au stade isotopique 11 ; le plus récent, daté de 128 à 95 000 ans, correspond au stade isotopique 5.
- Le complexe stratigraphique sommital, est composé de sédiments bruns piégés dans des fissures ouvertes qui recoupent les niveaux les plus récents du remplissage : ils sont donc plus jeunes que 95 0000 ans et renferment une faune originale avec en particulier le thar des Cèdres (Hemitragus cedrensis).