Dans la plaine irriguée par le Wâdî ‘Irmâ, les reconnaissances appuyées par des photos aériennes ont révélé l’existence de champs antiques liés à des barrages et à des prises d’eau.

Un territoire fertile grâce à la gestion des crues

Depuis des millénaires, les paysans d’Arabie savent utiliser la force des crues de printemps ou d’été pour les détourner vers des surfaces préparées à l’avance où se déposent les particules les plus fines, les limons nourriciers. À Shabwa, des déflecteurs et des seuils empierrés, loin en amont dans le lit du wâdî ‘Irmâ, permettent - lors d’une première phase difficile à dater - de diriger selon une gestion très précise les crues dans des canaux principaux installés de part et d’autre du site de la ville. Puis l’eau est conduite par des répartiteurs installés à intervalles réguliers vers des périmètres de champs, le plus souvent quadrangulaires, situés à des kilomètres en aval. L’oasis finit par atteindre une superficie d’environ 1500 ha. Malgré l’absence de textes, on peut supposer deux types d’organisation humaine : la propriété privée des champs d’une part, et d’autre part l’existence d’un système foncier et juridique de régularisation des débits.

Les dépots de limon, une constante adaptation

Toutefois le limon déposé à chaque crue finit par exhausser le niveau des champs, à raison de 0,7 centimètre par an, soit 7 centimètres par siècle, selon un calcul approximatif. La première solution consiste à remonter les prises d’eau en amont et à curer les canaux ; à Shabwa, au début du IIIe siècle, le roi Ili’azz Yalut, fait ainsi édifier une importante vanne inscrite à la tête d’un nouveau canal. Les solutions ultimes consistent à rehausser le niveau des aqueducs et à recreuser les champs, travail considérable certes, mais signe avant-coureur d’un déclin inexorable à partir du Ve siècle.

La proximité des gisements

Outre ses richesses agricoles, Shabwa peut aussi compter sur ses pierres de construction dont les carrières se trouvent à proximité (l’une porte un texte du Ve siècle av. J.-C. environ), ses mines de fer d’al-Harash et de sel, sans compter le bois utilisé très tôt dans l’architecture. Des corps de métier spécialisés, carriers, tailleurs de pierre, charpentiers, ont pu ainsi se constituer très tôt.

Enfin, hors du Wâdî ‘Irmâ, la région de Shabwa ne compte aucune oasis dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres et ne peut ainsi établir une armature urbaine proche.