Les inscriptions de la vieille ville d’Al-Ula
Dans le cadre de la Vision 2030, le gouvernement saoudien décide de mettre en valeur l’incroyable patrimoine de la vallée d’Al-Ula. Étudiées depuis le XIXe siècle par divers érudits, le projet souhaite remettre à jour les inscriptions de la vieille ville qui représentent un véritable trésor culturel.

Les inscriptions : des clefs pour comprendre l’histoire
Ces inscriptions sont étudiées dans le cadre du projet MuDUD (Multiscalar Documentation for Urban Dynamics), financé et coordoné par AFALULA (Agence française pour le développement d’Al-Ula), en partenariat avec la RCU et exécuté par la société Archaïos.
Ce projet interdisciplinaire cherche à déchiffrer le passé de la vieille ville et le grand corpus d’inscriptions présent dans la vallée d’Al-Ula est une source de choix pour comprendre cette histoire.
L’emplacement des inscriptions, parfois à peine visibles de la rue, utilisées à l'envers, ou situées en bas des murs, indique qu’une grande majorité des pierres proviennent d’anciennes constructions minéennes, lihyanites et nabatéennes, de la vallée. Elles ont servi à la construction de la ville qui débute au XIIIe siècle.
L’objectif de l’étude est donc double :
- retrouver l’emplacement originel des inscriptions observées aujourd’hui dans la vieille ville, en les comparant avec les documents d’archives des XIXe et XXe siècles ;
- retranscrire les informations qu'elles nous livrent pour compléter l'histoire ancienne de la vallée grâce au travail des épigraphistes.
Un corpus d’archives remarquable
Les voyages d’exploration en Arabie se développèrent à la fin du XIXe siècle. Divers érudits partirent en missions pour découvrir et étudier le passé de ces régions, longtemps restées méconnues en Europe. Un grand nombre de documents (croquis, copies, estampages…) y furent réalisés pour sauvegarder les inscriptions rencontrées.
L'étude épigraphique la plus détaillée sur la vallée d’Al-Ula reste celle des Pères de l’école biblique de Jérusalem : Raphaël Savignac et Antonin Jaussen, qui réalisèrent plusieurs centaines d’estampages lors de leurs trois missions en 1907, 1909 et 1910. Conservées en partie en France à l’Académie des Inscriptions et des belles lettres (AIBL), ces archives constituent la base du corpus d’étude sur l’histoire de la région et de ses inscriptions, pour la plupart disparues, déplacées ou détruites.
Le numérique, au cœur de l’étude épigraphique
Pour répondre à ces objectifs, les nouvelles techniques de numérisation ont pris une part importante à l’étude des inscriptions. Les estampages conservés à l’AIBL et les inscriptions retrouvées sur le site ont été numérisés en 3D grâce à la photogrammétrie. Ces numérisations 3D visent à identifier plus distinctement les lettres et permettent une meilleure transcription.
Des techniques de topographie 3D aident également à reconnaitre des similitudes de formes entre les différents modèles 3D pour pouvoir retrouver les inscriptions correspondant aux estampages.
Enfin, les diverses données concernant les inscriptions sont regroupées dans une base de données accessible par toute l’équipe de recherche. Lorsqu’une inscription est retrouvée sur le site, ses données de géolocalisation sont entrées dans la base et mise en relation avec les données d’archives, afin de voir si elles sont, ou non, concordantes. Ceci afin d’identifier quelles inscriptions sont encore en place, lesquelles ont fait l’objet de réemplois, lesquelles sont nouvelles ou alors disparues.
Des inscriptions variées
La taille des inscriptions, les thèmes et les écritures sont variés. De Dadan (IVe -IIe siècles av. J.-C.) à l’époque Ottomane (XVIIIe-XXe siècles) jusqu’à l’abandon de la ville en 1980, elles témoignent d’une longue chronologie d’occupation de la vallée. Les transcriptions attestent d’une vie économique florissante, permise par la place du site au carrefour de routes commerciales et caravanières. La vie politique et religieuse de la vieille ville est aussi attestée par sa proximité avec les sites anciens tels Hégra et Dadan, jusqu’à la route de pèlerinage musulman à partir du VIIe siècle. Enfin, les inscriptions plus récentes en arabe offrent des détails inédits sur les us et coutumes des habitants et sur l’organisation urbaine. Par exemple, les anciens propriétaires considéraient la porte des maisons comme des emblèmes et inscrivaient sur le linteau des bénédictions pour le visiteur et la date de construction de la propriété. Ou encore, certaines inscriptions mentionnent une date liée au calendrier hégirien. Sur l'une des inscriptions arabes situées au nord de la vieille ville, un nom de rue est gravé sur le linteau du chambranle qui porte également la date '1262 ou 1363 (?)' de l'Hégire, soit l'année '1845 ou 1943' du calendrier grégorien.
La valorisation des inscriptions
Ce projet culturel réalisé en étroite collaboration avec la France, amène ainsi une nouvelle vague de valorisation du patrimoine saoudien dans notre pays permettant la mise en avant d’un patrimoine commun/ partagé. Le projet MuDUD est encore en phase de découverte et d’étude, reflétée par une valorisation encore douce, qui tendra à s’intensifier au fur et à mesure que les données archéologiques seront traitées. Un premier niveau de valorisation est en cours pour les scientifiques, afin qu’ils aient un accès rapide aux données. Le grand public, lui, se voit dévoiler ce patrimoine petit à petit.