Rochers ornés d’Île-de-France
Sur des rochers en grès près de Fontainebleau, un cheval et un aurochs furent gravés à la fin des temps glaciaires. Ensuite, les derniers chasseurs-cueilleurs ont réalisé de très nombreux sillons et quadrillages. Ce territoire symbolique est un terrain fructueux de recherche qu’il faut protéger.
Dans les chaos de grès entre Nemours et Rambouillet, des motifs de diverses époques parsèment plus de 2 000 cavités, généralement exiguës. Un programme de sauvegarde, de valorisation et d’étude s’intéresse spécialement aux œuvres de la fin de la Préhistoire.
Un patrimoine menacé
Les premiers abris ornés furent repérés au XIXe siècle et la plupart l’ont été ensuite à la fin du XXe grâce à une association très active de bénévoles . Ces petites cavités sont celles qui ont échappé aux destructions massives occasionnées par les nombreuses carrières de grès d’où l’on extrayait des pavés de voierie ou des moellons jusqu’au début du XXe siècle. Mais beaucoup de ces abris rescapés se trouvent maintenant dans des forêts touristiques et sont de nouveau menacés. Leurs parois friables peuvent être érodées au moindre contact (par conséquent lorsque l’on s’y faufile sans précaution) et elles subissent toutes sortes de dégradations (graffitis, feux de campeurs, etc.), le plus souvent par inadvertance.
Archiver, valoriser et étudier les abris
Une nouvelle équipe de recherche se consacre désormais à archiver un échantillon d’abris, notamment au moyen de l’imagerie 3D par photogrammétrie. Ainsi dispose-t-on maintenant « d’empreintes numériques » à partir desquelles on peut éventuellement fabriquer des fac-similés ou concevoir des visites immersives en réalité virtuelle. De tels outils de sauvegarde alimentent un programme de sensibilisation et de prévention dont le but est que chacun — en particulier riverain — devienne protecteur de ce patrimoine. Cette valorisation touche de plus en plus de scolaires et se nourrit des études en cours d’une quinzaine de scientifiques.
Nouvelles observations sur les rares gravures paléolithiques
Un abri de Noisy-sur-École (Seine-et-Marne) recèle un cheval finement gravé ressemblant, par son style, à certains de ceux qui ont été figurés dans la grotte de Lascaux (Dordogne). On le discerne malgré l’érosion, laquelle explique la rareté des œuvres aussi anciennes dans la région. Ce cheval ainsi qu’un autre, plus estompé encore, encadrent un relief d’origine naturelle en forme de pubis féminin. L’analyse approfondie montre que les fentes qui le composent ont été en grande partie façonnées par l’Homme et elle révèle que ces aménagements ont pu faciliter des écoulements occasionnels d’eau, notamment en cas de pluie. Ce n’est pas la première fois que des liens sont mis en évidence entre l’art pariétal du Paléolithique récent et des circulations d’eau, mais on n’avait jamais observé un tel dispositif hydraulique auparavant. Dans un autre abri, cette fois à Buno-Bonnevaux (Essonne), un aurochs d’un style différent ainsi que le profil d’un autre animal adossé semblent également de facture paléolithique. Ils sont associés à plusieurs gravures géométriques possiblement plus récentes, en particulier à des sillons larges et profonds.
Recherches sur les rituels mésolithiques
Ces sillons appuyés font partie, avec les nombreux quadrillages, des principaux motifs que l’on attribue au Mésolithique. On les trouve en effet dans quelques petites cavités qui furent habitées à cette époque et qui livrent des outils en silex ayant servi à graver le grès. Dans deux abris de Noisy-sur-École, où abondent les motifs géométriques de ce genre, on tente de reconstituer les gestes employés pour la gravure et leur enchaînement . De bons espoirs existent au sujet des relations d’antériorité entre quadrillages et sillons profonds appartenant peut-être à des phases symboliques distinctes. La durée moyenne de réalisation des quadrillages (10 à 20 minutes pour les modèles archéologiques les plus fréquents) a été calculée grâce à des reproductions expérimentales. Ce n’est pas très long mais pas négligeable non plus, surtout s’il se confirme que ces motifs ont bien été réalisés par séries de quelques quadrillages semi-parallèles les uns aux autres, comme le suggèrent d’autres indices. De plus, ces expérimentations montrent que seuls les grès friables se prêtent à la gravure. Il convient donc d’intégrer ce paramètre dans les analyses géographiques à large échelle concernant la répartition des abris ornés. Leur objectif est de rechercher s’il existe, en plus de l’aptitude des roches à la gravure, d’autres critères (topographiques, altitudinaux, etc.) ayant conduit les préhistoriques à sélectionner ces lieux pour leurs rituels.
De très rares peintures
À Fontainebleau en Seine-et-Marne, une peinture animalière occultée par des dépôts organiques récents a été en partie dévoilée grâce à une analyse par traitement d’images. On peut désormais identifier deux cervidés superposés et tête-bêche qui présentent des points communs frappants avec des œuvres de la péninsule Ibérique attribuées à la fin du Mésolithique. De telles ressemblances, parfois à plus de 1 000 kilomètres de distance, ont déjà été notées dans les arts préhistoriques, mais ce qui surprend dans ce cas c’est que l’on ne connaît pas, à ce jour, de jalons intermédiaires. Cela tient sans doute à l’érosion et aussi peut-être à l’état de la recherche, celle-ci progressant rapidement comme l’attestent toutes ces nouvelles découvertes au sud de l’Île-de-France.
Liens utiles
- AFP - À Fontainebleau, un vaste site préhistorique méconnu en Europe. Reportage Grégoire Ozan
Émission Carbone 14 / France Culture
Réécoutez l'émission L’art rupestre à « l’Origine du monde » par Boris Valentin du 14/11/2020
Le saviez-vous ?
En plus de quelques abris sous grès occupés au Mésolithique dans les zones à gravures, les fouilles archéologiques ont révélé en bien d’autres lieux d’Île-de-France des restes d’habitats des chasseurs-cueilleurs nomades préhistoriques, enfouis pour certains depuis 500 000 ans.
Étiolles en Essonne est un exemple de campement très bien conservé de la fin du Paléolithique récent vers -15 000 et la rue Henry-Farman à Paris-XVe en est un pour le Mésolithique vers – 10 000.