Iran - Entre 25 000 et 50 000 ans

Mirak, il y a 25 à 50 000 ans

Localisée à l’extrême nord du désert central iranien, au sud des piémonts de l’Alborz, la localité de Mirak dans la province de Semnan est connue pour l’abondance des pierres taillées en surface et son environnement désertique et aride. Elle a livré les vestiges de plusieurs périodes d’occupation par des humains du Paléolithique datées entre environ 25 et 50 000 ans.

Mirak 8. Vue de la fouille du secteur Est en fin de campagne 2016 © FIPP

La localité de Mirak, aujourd’hui désertique, s’étend sur près de 1,6 km² entre 1010 et 1050 m au-dessus du niveau de la mer.  Son intérêt préhistorique a été décrit pour la première fois par Hassan Rezvani en 1989 relevant à la surface du sol de très nombreux artefacts lithiques. Dans les années 2000, des prospections méthodiques par Hassan Rezvani et Hamed Vahdati Nasab permettaient la collecte de plusieurs milliers d’artefacts lithiques.

Mirak 8, un site paléolithique de plein air au nord du désert central iranien

Si les sites paléolithiques de surface sont nombreux dans le Nord du désert central iranien, la quantité et les affinités typo-technologiques du matériel de Mirak font de ce site une localité majeure du Paléolithique moyen du Plateau Central Iranien et des régions limitrophes.

Les vestiges lithiques situés en surface se concentrent en périphérie de buttes de 6 à 10 mètres de haut environ, en particulier la butte n° 8. En fouillant Mirak 8 et en menant ses travaux de terrain de 2015 à 2018, le FIPP a permis de faire le lien entre ces artefacts de surface initialement attribués au Paléolithique moyen et les vestiges d’au moins trois périodes d’occupation humaine en contexte stratigraphique, d’en préciser la chronologie et l’environnement de dépôt. Préservées sous une paléodune formée à l’Holocène (la butte), ces occupations datées de 50 000 à 25 000 ans environ, sont la preuve de la présence de Néandertaliens puis d’Humains modernes dans le Nord du Plateau Central Iranien alors que l’environnement, aujourd’hui désertique, y était tempéré et humide.

« Dissection » de la butte Mirak 8

Les travaux géomorphologiques menés par le FIPP ont permis de décrire une séquence stratigraphique de 9 m d'épaisseur. La butte en elle-même correspond à une paléodune composée de dépôts éoliens (Séquence II), d’un âge postérieur à 1,2 ka. En-dessous, la séquence I, basale, est alluviale ; elle contient trois assemblages archéologiques datés entre 25 000 et 50 000 ans environ. Ces vestiges correspondent à autant d’occupations humaines successives à l’occasion d’épisodes climatiques humides et tempérés.

Les fouilles du FIPP ont porté sur 4 secteurs principaux et une surface totale fouillée d’environ 36 m². Elles ont livré plus de 6000 objets répartis entre 4 et 7 m au-dessous du sommet de la séquence stratigraphique. Ces vestiges archéologiques sont principalement composés d'artefacts lithiques ; de rares fragments extrêmement altérés d'os et de dents de grands mammifères (des équidés) ont également été retrouvés dans le secteur Est.

Trois occupations humaines paléolithiques successives

Trois grandes concentrations archéologiques successives relevant de cultures différentes ont été mises en évidence en particulier dans le secteur oriental, où la densité archéologique s’est avérée être la plus élevée.

  • Le niveau supérieur (L1) d’un âge compris entre 21 et 28 ka, présente de nettes affinités avec le Paléolithique supérieur, avec quelques ressemblances avec les assemblages baradostiens du Zagros. Les comparaisons restent limitées car ce niveau est un palimpseste, un dépôt resté en surface, dispersé et remanié.
  • Le niveau inférieur (L3) est attribué au Paléolithique moyen avec des outils du Levallois-Moustérien tel qu’on en trouve dans les sites moustériens classiques du Zagros. Daté entre 43 et 55 ka, et bien que compatible avec le cadre chronologique général des assemblages du Paléolithique moyen au Moyen-Orient, ce niveau semble récent par rapport au Paléolithique moyen connu dans le Zagros.
  • Le niveau intermédiaire (L2) représente un ensemble d'industries ayant à la fois des affinités avec le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. Daté entre 26 et 33 ka, il est contemporain du début du Paléolithique supérieur du Zagros. À ce jour, cet assemblage n’a pas d'équivalent dans le Paléolithique du Plateau Central Iranien.

Ces découvertes mettent en évidence une succession d’installations humaines, vraisemblablement des espèces différentes, Néandertaliens puis Humains modernes, à l’occasion de périodes humides et tempérées dans le Nord du Plateau Central Iranien actuellement désertique.

Les preuves de présence humaine postérieure au Paléolithique

Enfin, au fond du sondage S2 (une ancienne fouille illégale), un quatrième dépôt a livré une riche concentration en artefacts lithiques et en vestiges de grands. Les analyses montrent que l’assemblage lithique présente des caractéristiques de l’épipaléolithique, comme de nombreux microlithes, mais aussi des pièces attribuables au Paléolithique moyen. Par ailleurs, l’assemblage faunique associe des vestiges osseux et dentaires sans traces d’altération à côté de vestiges très émoussés par les eaux. Si l’ensemble de ces données archéologiques et géologiques questionnent quant à la nature primaire de cet assemblage, elles permettent également de proposer une occupation préhistorique de la localité postérieure au Paléolithique. Les études se poursuivent.

Le Programme paléoanthropologique franco-iranien (FIPP) a été initié en 2002 par Asghar Asgari Khaneghah (Université de Téhéran), Gilles Berillon et Valéry Zeitoun (CNRS), rejoints par Hamed Vahdati Nasab (Université Tarbiat Modares). Programme pluridisciplinaire, entre préhistoire, paléoanthropologie, géoarchéologie, géochronologie et bioarchéologie, il s’intéresse aux humains et à leurs cultures au cours de la préhistoire et aux environnements dans lesquels ils ont vécu. Centré sur le Plateau central iranien et ses environs, le FIPP a initié ses fouilles sur le site de Garm Roud (Mazandaran) puis de Mirak (Semnan), pour documenter ensuite à Qaleh Kurd (Qazvin) une préhistoire humaine remontant à plus de 150 mille ans, peu connue dans cette vaste région. Vecteur de formation à la recherche, il permet à de jeunes chercheuses et chercheurs iraniens et français de participer activement aux travaux de terrain de l’équipe franco-iranienne et construire leur projet professionnel académique. Depuis son origine, il est soutenu par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur avis de la Commission consultative des recherches archéologiques.

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