Iran - Il y a 33 000 ans

La vallée de Garm Roud

Localisée près du littoral sud de la mer Caspienne, la vallée de Garm Roud dans le Mazandaran est connue pour sa végétation luxuriante, son environnement riche et ses rizières, peu pour ses richesses archéo-préhistoriques. Elle a livré les vestiges d’une courte occupation par des humains préhistoriques datée de 33 000 ans.

Garm Roud – La vallée et de la terrasse de Baliran (à droite) © FIPP

Le Programme Paléoanthropologique Franco-Iranien (FIPP) s’intéresse aux peuplements paléolithiques du Plateau Central Iranien et de ses régions limitrophes. Il a découvert et fouillé Garm Roud de 2005 à 2008. L’importance de Garm Roud tient à sa localisation, à la chronologie et à la richesse du dépôt archéologique. Situé en Alborz où peu de sites du Paléolithique supérieur sont connus, à plus de 500 km des importants sites contemporains du Zagros, Garm Roud a livré plusieurs dizaines de milliers de pierres taillées, d’ossements et de dents de grands mammifères concentrés en un dépôt unique daté d’environ 33 000 ans.

Garm Roud, un site du Paléolithique supérieur en Alborz Central

Découvert et fouillé il y a près de 20 ans, Garm Roud reste pourtant l’un des seuls sites daté de l’Alborz livrant des vestiges du Paléolithique supérieur. D’autres sites sont connus dans la région et révèlent des occupations humaines vraisemblablement plus anciennes de la région, tels les sites de surface de Ganj Par ou Moghanak, impossibles à dater précisément, ou le site en grotte de Darband Cave, en cours d’étude. Les sites les plus proches ayant livré des vestiges du Paléolithique supérieur se trouvent dans le Zagros, tels Shanidar (Irak), Yafteh ou Gareh Boof (Iran), à plus de 500 km vers l’ouest.

La terrasse de Baliran

Le dépôt archéologique est visible sur la coupe naturelle qui entaille une séquence de plus de 15 m d’épaisseur, la séquence de Baliran. Cette large séquence s’est mise en place en deux étapes principales : la plus ancienne consiste en dépôts de rivière (alluviaux), en premier lieu des galets et graviers puis des limons, qui composent la partie inférieure de la terrasse. Les sédiments limoneux sont déposés grâce aux crues, la rivière sortant alors de son lit principal. À l’occasion d’arrêts de sédimentation, la végétation s’installe et des sols se forment ; c’est à l’occasion d’une de ces phases qu’il y a environ 33 000 ans, un groupe d’Homo sapiens s’est installé. Cette séquence alluviale s’arrête il y a environ 12 000 ans. Un dépôt d’une autre nature se met alors en place : ce sont des tuffs carbonatés, c’est-à-dire des dépôts de fond de vallée qui résultent principalement de la précipitation de carbonates autour de la végétation. Cette séquence dure environ 2 000 ans. À partir de 10 000 ans avant aujourd’hui, l’ensemble de la séquence subit une incision majeure qui peut être mise en relation avec une forte reprise de l’activité tectonique dans la région (faille de Khazar). Cette incision donne à la séquence de Baliran sa morphologie actuelle : une terrasse sub-horizontale séparée du lit de la vallée actuelle par une coupe de plus de 15 m de haut, dans laquelle le dépôt archéologique apparaît à plus de 10 m au-dessous de son sommet.

Garm Roud, une courte halte de chasse en bord de rivière

Alors que les vestiges des sites en grotte du Paléolithique supérieur du Zagros se présentent sous la forme de larges accumulations faites de nombreux dépôts archéologiques, ceux découverts à Garm Roud sont concentrés en un dépôt unique de quelques centimètres d’épaisseur. Sa composition laisse penser que les humains préhistoriques se sont installés sur ce site très brièvement, à l’abris d’un talus, il y a environ 33 000 ans, dans la vallée où le climat était alors vraisemblablement proche de l’actuel, tempéré et humide. C’est vraisemblablement un instant de vie d’un groupe d’humains préhistoriques qui est enregistré à Garm Roud. Les vestiges se composent pour beaucoup d’artefacts lithiques de petite dimension, taillés sur place. Leur étude montre que le débitage avait pour objectif principal la réalisation de lamelles, des artefacts étroits, allongés et dont un bord est tranchant et qui pouvaient être fixés par l’autre bord à une armature. La fouille a livré également des dents et de très nombreux fragments osseux d’un Cerf adulte et d’un faon. Ces ossements se présentent le plus souvent sous la forme de fragments. Les os ont été très largement fracturés, et présentent également des traces de découpe. Des activités de boucherie ont donc été réalisées sur place. Des fragments osseux d’Aurochs mais aussi de petits mammifères ont également été collectés, mais aucun reste humain. Compte tenu de la chronologie du site, il est très probable que les humains qui ont occupé la vallée étaient des Homo sapiens.

Le Programme paléoanthropologique franco-iranien (FIPP) a été initié en 2002 par Asghar Asgari Khaneghah (Université de Téhéran), Gilles Berillon et Valéry Zeitoun (CNRS), rejoints par Hamed Vahdati Nasab (Université Tarbiat Modares). Programme pluridisciplinaire, entre préhistoire, paléoanthropologie, géoarchéologie, géochronologie et bioarchéologie, il s’intéresse aux humains et à leurs cultures au cours de la préhistoire et aux environnements dans lesquels ils ont vécu. Centré sur le Plateau central iranien et ses environs, le FIPP a initié ses fouilles sur le site de Garm Roud (Mazandaran) puis de Mirak (Semnan), pour documenter ensuite à Qaleh Kurd (Qazvin) une préhistoire humaine remontant à plus de 150 mille ans, peu connue dans cette vaste région. Vecteur de formation à la recherche, il permet à de jeunes chercheuses et chercheurs iraniens et français de participer activement aux travaux de terrain de l’équipe franco-iranienne et construire leur projet professionnel académique. Depuis son origine, il est soutenu par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur avis de la Commission consultative des recherches archéologiques.

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