Céramiques d'Angkor
Les grès khmers constituent une production céramique originale, caractéristique de la période angkorienne (IXe-XIVe siècles apr. J.-C.), qui a depuis longtemps attiré l'attention des archéologues. Pour autant, les céramiques angkoriennes n’avaient fait l’objet d’aucune étude technique approfondie et aucune recherche globale n’avait été conduite sur les lieux de production. Quant aux terres cuites angkoriennes et pré-angkoriennes, elles n’avaient fait l’objet d’aucune étude importante malgré leur abondance.
La mission CERANGKOR, créée en 2008, fruit d’une collaboration entre l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) et le laboratoire de céramologie de Lyon (CNRS-Université Lyons 2), s’était donné pour premier objectif d’étudier les productions des ateliers de grès connus dans la région d’Angkor, du point de vue typologique mais aussi technique et de caractériser chacun d’entre eux par des analyses physico-chimiques des argiles et des glaçures (analyses par fluorescence X et analyses pétrographiques pour les pâtes et les argiles ; analyses à la microsonde électronique pour les glaçures). À partir de 2014, la recherche a été élargie aux sites de fours angkoriens aujourd’hui situés en Thaïlande dans la province du Buriram.
Recherches sur les sites de fours
Ces travaux ont permis de caractériser tous les sites de fours connus aussi bien dans la région d’Angkor que dans la province de Phnom Penh, ou dans celle du Buriram et de constituer une banque de données d’analyses géochimiques sur les sites de production, ainsi qu’une collection de référence consultables par les chercheurs au centre de Siem Reap. La banque de données établie par le laboratoire de Lyon comporte désormais près de 1 200 analyses permettant de caractériser tous les sites de production connus aussi bien au Cambodge qu’en Thaïlande.
La recherche sur les sites de fours, croisée avec l’étude des céramiques sur les sites de consommation a débouché sur une synthèse consacrée aux grès khmers, publiée en 2023 : Desbat, A., Les grès khmers (IX-XIVe siècles), Typologie, chronologie et origines, Mémoire archéologique n° 29, Publication bilingue Fr-Ang, EFEO-CNRS-SAC-West Ontario Univ, Publications de l’EFEO, 2023.
Les terres cuites
Depuis 2020, le programme s’est réorienté vers l’étude des terres cuites pré-angkoriennes et angkoriennes. Le programme actuel se propose de mener sur les terres cuites pré-angkoriennes et angkoriennes le même travail de synthèse que celui réalisé sur les grès angkoriens en établissant une typo-chronologie et une caractérisation des différents groupes de production. Celles-ci s’appuieront sur les sites de consommation et des analyses physico-chimiques.
À ces recherches sur les céramiques archéologiques se sont greffés deux volets complémentaires : les enquêtes ethnographiques et l'archéologie expérimentale.
Les enquêtes ethnographiques
Nous avons engagé depuis 2020 des enquêtes sur les sites de production traditionnels, Kompong Chhnang, Dam Dek et Damnak Chambok. Le but de ces enquêtes est double : d’une part documenter un artisanat en déclin, voire sur certains lieux en voie de disparition, tant que cela est encore possible ; d’autre part étudier les techniques de fabrication qui fournissent des points de comparaison et des grilles de lecture pour la production des terres cuites préangkoriennes et angkoriennes.
L'archéologie expérimentale
Depuis 2014, un programme d’archéologie expérimentale sur les fours angkoriens a aussi été engagé. Il a donné lieu à deux cuissons en 2014, trois autres en 2018 et une en 2019, qui ont permis de mieux appréhender les questions liées aux fours et aux cuissons. En 2022, la construction d’un nouveau four a permis de relancer les expérimentations. Sept cuissons ont été réalisées depuis lors. Elles ont permis d’expérimenter l’utilisation de cendre de riz comme dégraissant et de tester différentes argiles. Elles ont notamment permis de confirmer l’apparition de glaçures naturelles et surtout d’obtenir des grès à partir de 1 100 °C avec différents types d’argile.
Depuis 2016, la mission CERANGKOR est jumelée avec la mission MAFKATA conduite par Christophe Pottier. Elle est soutenue par l’EFEO et dispose d’un soutien financier du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Ces recherches, pilotées par le laboratoire de céramologie de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée à Lyon (laboratoire ArAr), sont menées en collaboration avec l’EFEO, l’Autorité nationale APSARA à Angkor, le ministère de la Culture au Cambodge, le Fine Arts Department en Thaïlande, ainsi qu’avec l’université de Géologie de Fribourg (Suisse).