Le complexe ecclésial de Martinšćica
Les opérations archéologiques conduites sur le site insulaire de Martinšćica depuis 2015 s’inscrivent dans un programme de recherche sur l’origine et les aspects monumentaux des premiers monastères de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge sur les îles de l’Adriatique croate.
Les huit campagnes de fouilles et de prospections (Lidar, GPR) ont révélé un vraisemblable monastère protobyzantin (VIe-VIIe s.), puis bénédictin (XIe-XIVe s.), établi dans un riche complexe ecclésial paléochrétien (IVe-Ve s.) érigé sur les marges d’une villa maritime antique (IIIe s. ?).
Les îles dalmates : un foyer précoce du monachisme méditerranéen encore mal connu
Si on en croit les écrits de saint Jérôme le Dalmate à la fin du IVe s., les îles de l’Adriatique de l’actuelle Croatie étaient est un des foyers précoces du monachisme méditerranéen, au même titre que les déserts d’Égypte et de Palestine ou que le littoral provençal et l’espace tyrrhénien. À ce titre, les fouilles et les prospections menées dans l’archipel du Kvarner depuis les années 2010, et plus particulièrement sur le site de Martinšćica, participent à l’élaboration d’une grille de lecture des complexes ecclésiaux de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge afin de déterminer leurs statuts et leurs fonctions. Cette démarche a été amplifiée à l’échelle du littoral et des îles croates depuis 2021.
Martinšćica : un site-clef
Découverte dans les années 1950 au fond d’une baie déserte, l’église de plan cruciforme, longtemps considérée comme des Ve-VIIe s., est désormais datée de la fin du IVe s. La précocité de sa datation engage une réévaluation des processus de christianisation des campagnes rurales insulaires. Le complexe paléochrétien (église, chapelle, baptistère, annexes et zones funéraires) érigé sur les marges d’une villa maritime agrandie dans l’Antiquité tardive (salutatorium), peut être qualifié de patrimonial ; il résulte d’une forme d’évergétisme du dominus.
Le complexe ecclésial connaît des phases de réaménagements et d’adaptations à de nouvelles formes d’occupations domestiques et économiques (cellules dotées de latrines, four à pain, ateliers divers, etc.) induisant une évolution de la fonction et du statut du site à partir des VIe-VIIe s. jusqu’à son abandon au XIVe s. L’hypothèse privilégiée est celle de l’installation d’une communauté monastique protobyzantine avant, peut-être, d’être remplacée par des bénédictins dépendant du monastère Saint-Pierre d’Osor.
Les perspectives du programme
Après la fouille du complexe ecclésial, l’enjeu des futures campagnes sera de déterminer l’amplitude du « réinvestissement » de la villa maritime dans ses phases tardives afin d’évaluer la pertinence de l’hypothèse de sa transformation également en monastère.
La mission reçoit le soutien du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et du ministère de la Culture croate, ainsi que d’un programme de l’École française de Rome. Les recherches ont pu être élargies depuis 2021 dans le cadre du programme MONACORALE financé par l’ANR.