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Si on connaît plusieurs graffites écrits en lettres étrusques à la fin du VIe s. av. J.-C. et des graffites grecs dès le milieu du Ve s. av. J.-C., aucune écriture indigène n'est attestée à Lattes avant la fin du IIIe s. av. J.-C. C'est à cette époque qu'apparaît l’usage d’inscrire son nom, souvent abrégé, en lettres grecques sur certains vases. Cette pratique consistant à écrire des mots ou des noms celtiques en utilisant l'alphabet grec (inscriptions dénommées pour cette raison "gallo-grecques") perdurera jusqu’au changement d’ère, c'est-à-dire plus d'un siècle après la conquête romaine de la Provincia. Les graffites en écriture latine apparaissent à l'époque triumvirale (vers 50 av. J.-C.) mais cet alphabet et la langue latine ne deviendront courants qu'à partir du Haut-Empire.
Les deux abécédaires de la fin du IIIe et du début du IIe s. av. J.-C., découverts à Lattes sont fort intéressants parce que leur signification semble différente. Le premier comporte un début d'alphabet grec en lettres bien maîtrisées, et dessous le mot grec KNAX, mot très rare qui veut dire "petit lait" et qui figure dans les listes d'expressions difficiles à prononcer des manuels scolaires hellénistiques. On a là certainement un témoignage de l'apprentissage local non seulement de l'écriture, mais encore de la langue grecque, peut-être par l'enfant d'un Grec.
Le second livre un alphabet grec presque complet sur deux lignes (de l'alpha au sigma), mais d'une écriture beaucoup moins maîtrisée que le premier. L'élève cafouille notamment après le lambda et les dernières lettres sont très approximatives. Une croix se surimposant au delta et à l'epsilon pourrait correspondre à la correction du maître et signifier en quelque sorte : "à refaire". Tels quels, issus d'un site indigène, ces deux documents d'un type unique en Gaule sont à la fois émouvants et instructifs sur la profondeur de l'acculturation des populations locales à la fin de la Protohistoire.