Il y a 3000 ans

Vivre au bord des lacs

Au Néolithique, des hommes et des femmes ont construit des villages sur pilotis au bord des lacs de Chalain et Clairvaux (Jura). Restés sous le niveau de l’eau depuis leur abandon il y a 5000 ans, les vestiges, notamment organiques, se sont remarquablement conservés. Ils sont aujourd’hui un témoignage exceptionnel des sociétés du passé, inscrits par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial, aux côtés de 109 autres sites palafittiques autour des Alpes.

Maisons expérimentales de Chalain. © Centre de recherche archéologique de la vallée de l’Ain / P. Pétrequin

La conservation exceptionnelle des vestiges en milieu lacustre rend possible la réalisation d’études, analyses et datations précises sur les sites palafittiques. À Chalain et Clairvaux, plus de 50 années de recherches permettent aujourd’hui de reconstituer le quotidien des habitants, leur mode de vie, leur environnement et ses changements au cours du temps.

Les villages lacustres : un phénomène alpin

À partir de 5000 av. J.-C. environ, de nombreux hameaux et villages furent construits sur les rives des lacs ou dans des marais autour des Alpes, dans plusieurs pays actuels (Allemagne, Autriche, France, Italie, Slovénie, Suisse). Près d’un millier sont aujourd’hui connus. Constitués d’un groupe de bâtiments en bois (maisons, greniers), ces villages comportaient également des clôtures, des chemins d’accès, des palissades. Tous ces éléments, comme les objets utilisés par les habitants, ont été sauvegardés grâce au milieu gorgé d'eau : c’est cette conservation exceptionnelle qui fait des palafittes une source documentaire de premier ordre pour connaître l’histoire des premiers agriculteurs de l’Europe centrale.

Dans les lacs jurassiens, plus de 50 sites ont pu être repérés, dont la majorité sont datés du Néolithique. Le plus ancien, à Clairvaux, remonte à 3900 av. J.-C. Le lac de Chalain a, quant à lui, abrité des villages plus nombreux, notamment au Néolithique final, entre 3200 et 2600 av. J.-C.

Si les palafittes sont peu connus du grand public en France, ce n’est pas le cas d’autres pays européen, où leur découverte au milieu du XIXe siècle fit sensation. La prise de conscience de l’importance de ce patrimoine extraordinaire a conduit l’UNESCO à inscrire 111 de ces « Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes » au patrimoine mondial de l’humanité en 2011.

Une recherche pluridisciplinaire

Dans un environnement gorgé d’eau ou même submergé, des vestiges habituellement disparus des sites terrestres sont conservés, notamment les restes végétaux (bois, denrées alimentaires, vêtements…). Pour les étudier, il a fallu créer de nouvelles méthodes, avoir recours à d’autres sciences et les développer : étude des cernes de croissance des arbres pour dater les constructions (dendrochronologie), étude des graines (carpologie), étude des pollens (palynologie), … Les informations inédites acquises ont amené un renouvellement des questionnements et de la manière d’aborder ces vestiges. Afin d’ouvrir les perspectives et parallèlement à leurs investigations archéologiques, l’équipe de chercheurs réunis autour de Chalain et Clairvaux a en outre fait appel à l’ethnoarchéologie et à l’expérimentation grandeur nature. Avec l’étude de ces sites, toutes les sciences archéologiques ont fait un bond phénoménal en avant.

La vie quotidienne au bord des lacs

Grâce aux recherches menées depuis près de 50 ans, la vie quotidienne des communautés d’agriculteurs établis au bord des lacs de Chalain et Clairvaux peut être reconstituée de façon précise. Les études environnementales donnent une bonne image du territoire dans lequel ils évoluaient et qu’ils exploitaient, ainsi que de son évolution dans le temps. Les recherches archéologiques ont, pour leur part, permis de comprendre l'organisation des villages, les fondements économiques, les techniques mises en oeuvre et les modes de pensée qui soutenaient la vie sociale. Par la confrontation avec l’expérimentation et les approches ethnoarchéologiques, on entre enfin dans l’intimité de ces hommes et de ces femmes des lacs, à l’intérieur des maisons, de leur construction à leur usage, en passant par leur cuisine et la carte des mets !

Cette publication a été réalisée sous la direction des archéologues Pierre et Anne-Marie Pétrequin Pétrequin, dans le cadre du Centre national de la recherche scientifique et du Centre de recherche archéologique de la Vallée de l’Ain.

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