France - Il y a 2000 ans

Vienne antique

Dans l’Antiquité, Vienna s’étendait de part et d’autre du Rhône. Simple bourgade gauloise, la ville est devenue, sous l’Empire romain, chef-lieu de cité du vaste territoire des Allobroges. De nombreux auteurs antiques ont loué la puissance et la beauté de la ville, qui peut disputer sans rougir à d’autres cités de Narbonnaise le titre de « Petite Rome des Gaules ».

Temple d'Auguste et de Livie © Guy Renaux. Musée de Vienne

Une histoire mouvementée

La situation privilégiée de Vienna au carrefour de voies fluviale et routières a été sans aucun doute à l’époque romaine un des éléments-clés de son essor, qui en a fait une des villes les plus riches de Gaule. La métamorphose du Rhône, dont la configuration passa au Ier siècle av. J.-C. d’un régime en tresse à un régime en méandre – libérant ainsi de nombreuses surfaces alors inondées – a de plus favorisé le développement de son urbanisme.

Le dynamisme urbain est particulièrement marqué sous le règne de Claude (r. de 41 à 54). et attesté par plusieurs phénomènes. Tout d’abord, de nombreuses inscriptions mentionnant d’importants gestes d’évergétisme ont été relevées, révélant la mobilisation des élites dans l’aménagement de la ville. Par ailleurs, des témoignages archéologiques de destruction/reconstruction, chronologiquement synchrones, viennent peu à peu alimenter l’hypothèse qu’un tremblement de terre aurait frappé la ville sous le règne de l’empereur Caligula (r. de 37 à 41), vraisemblablement en 36 ou 37 apr. J.-C. Ainsi, le célèbre temple d’Auguste et de Livie présente deux états, correspondant à sa construction initiale sous Auguste et à la réfection de sa façade orientale sous Claude. La ville, bénéficiant en plus d’aides impériales, aurait ainsi poursuivi son développement.  

Cette hypothèse a fait l’objet d’une évocation artistique par le dessinateur Gilbert Bouchard à l’occasion de l’édition d’un album Les voyages d’Alix – Vienna (cf. dessin ci-dessous).

Vienna pulchra, « Vienne la belle » 

La richesse et la beauté de la ville sont louées par les auteurs antiques, comme l’empereur Claude qui la décrit ainsi : Ornatissima ecce colonia ualentissimaque Viennensium, « Voici la très honorable et très puissante colonie des Viennois » (Tables claudiennes) et le poète Martial loue sa beauté : Vienna pulchra, « Vienne la belle » (Épigrammes, VII, 88). L’historien Tacite relatant le conflit opposant deux prétendants au trône, Vitellius et Galba, en 68/69 apr. J.-C., mentionne « l’or des Viennois », objet de convoitise des Lyonnais, partisans de Vitellius (Tacite, Histoires, I, 64‑66).  Les Viennois défaits, on a pu estimer la rançon qu'ils ont versée à 12 millions de sesterces. Cet épisode témoigne de la richesse de la ville, palpable dans sa parure monumentale exceptionnelle et ostentatoire, mais aussi dans le luxe des maisons des notables.

Des huit temples monumentaux recensés, seul le temple d’Auguste et de Livie nous est parvenu, pratiquement intact, ainsi que les arcs marquant l’entrée du forum.

La vidéo ci-dessous est une proposition de restitution en trois dimensions des moyens techniques mis en œuvre pour l’installation du tympan du temple d’Auguste et Livie, entre 27 av. et 14 apr. J.-C.

Les monuments des eaux (aqueducs, fontaines, thermes), indissociables de l’art de vivre romain, étaient sans doute plus nombreux que dans d’autres villes de même importance.

Les édifices de spectacle (théâtre, cirque, odéon, amphithéâtre) contribuaient à la parure monumentale de la ville.

Les domus urbaines, de plan italique, parfois de dimensions gigantesques, présentent un decorum exceptionnel. Vienne est ainsi un haut lieu de la mosaïque romaine : on a pu dénombrer plus de 580 pavements, et le potentiel est sans doute équivalent… Les mosaïques à thèmes mythologiques et les statues de dieux et de déesses ornant les jardins sont les témoignages d’un niveau d’érudition élevé.

Le déclin

Mais cette opulence, due à un artisanat et à une industrie plus que florissants, a été sans doute la cause du déclin de la ville dès la fin du IIe siècle apr. J.-C., déclin que l’on a pu observer à travers l’abandon des quartiers sud de la rive gauche et de ceux de la rive droite. Cette réduction de l’emprise du bâti va de pair avec un net recul de la démographie. En un siècle, la population de Vienne serait passée de près de 25 000 à 5 000 habitants. Cette « crise du IIIe siècle », longtemps justifiée par une crise politique doublée d’une crise économique et par des invasions, est sans doute principalement due à une crise sanitaire.

À Vienne, l’industrie du plomb (extraction et traitement du minerai, fabrication d’artefacts à partir de plomb importé) a vraisemblablement intoxiqué la population qui s’abreuvait de plus d’eau circulant dans des tuyaux en plomb. Des analyses sur plusieurs squelettes de cette époque ont montré des niveaux mortels d’intoxication au plomb (saturnisme).

Par ailleurs, la surconsommation de bois, notamment dans les nombreux thermes de la ville, liée à une déforestation irraisonnée autour de la ville, a vraisemblablement provoqué un phénomène bien connu de nos jours, la création de particules fines de carbone. Il est probable que les viennois ont aussi souffert de cette pollution atmosphérique, à l’origine de bien des cancers…

L’apogée de Vienne n’a ainsi duré que deux siècles, mais la ville a retrouvé une certaine splendeur à l’aube du Christianisme, aux IVe et Ve siècles apr. J.-C.

La recherche archéologique à Vienne

Le site antique de Vienne fait l’objet actuellement d’un Projet Collectif de Recherche (PCR), intitulé : « VIENNE, SAINT-ROMAIN-EN-GAL, SAINTE-COLOMBE – Atlas topographique de Vienne antique ».

Placé sous la direction d’Aurélie Monteil (Service régional de l’archéologie), ce PCR reprend un premier programme d’Atlas topographique de Vienne antique qui remonte à 1982. Cette entreprise collective avait bénéficié d’un soutien de l’État et des collectivités territoriales, dans l’objectif d’étudier et de mettre en valeur le patrimoine archéologique viennois conservé sur les deux rives du Rhône. Ce programme avait adopté les méthodes et les principes des Atlas topographiques des villes de Gaule méridionale du début des années 1990. Il a pris fin en 2012.

L’objectif de ce nouveau PCR est de relancer une dynamique dans le but de publier à terme l’intégralité des données topographiques antiques des deux rives. Il réunit l’ensemble des chercheurs intervenants de part et d’autre du Rhône.

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