Iran - Il y a 2 000 ans

Peuplement du Khorasan

Le développement des recherches en Iran oriental permet étudier l’évolution du peuplement et le dépeuplement de cette région, depuis l’Antiquité jusqu’à la période islamique. Le programme de recherche se focalise sur les dynamiques d’occupation de cette vaste région en étudiant l’évolution des comportements humains, l’évolution urbaine et culturelle. 

Chahr Taq, Robat-e Sefid/Bazeh Hur. © R. Rante, 2018.

Les activités archéologiques et géomorphologique dans la vallée de l’Atrek permettent de mieux appréhender le peuplement dans cette partie du Khorasan, son phénomène urbain et la dynamique des échanges dans leur diversité.

Le Khorasan historique

Le toponyme Khorasan, encore difficile à appréhender de façon définitive, mène à la notion de « l’endroit où le soleil se lève », ce qui très explicitement oriente le regard vers l’est, sans pour autant poser de limites précises. À la lumière des découvertes archéologiques et de l’étude des sources sassanides, une limite orientale datant du VIe siècle apr. J.-C. peut se situer sur le fleuve Murghab (Rante 2015), celui qui plus au nord s’étale en delta, générant l’oasis de Merv. Toujours à la même époque, le mur dit d’Alexandre protégeant la région du Gorgan, ainsi que les grands déserts iraniens, ont constitué sa limite occidentale. Cette région de Gorgan-Qumis était rattachée à l’entité administrative d’Abarshahr, qui correspond au futur territoire du Khorasan (Gyselen 1989 ; Gyselen 2003). La limite nord suivait vraisemblablement le profil du Kopet Dagh, puis incluait également les oasis de Tedjen et de Merv, redescendant ensuite par le Murghab. La limite sud, plus difficile à établir, s’arrêterait à l’actuelle région du Khorasan Junubi, qui était déjà à l’époque une région très aride.

Explorer le peuplement, l’évolution urbaine et les dynamiques culturelles

L’un des intérêts majeurs des recherches récentes dans le Khorasan est d’appréhender l’occupation de ce vaste territoire par les populations nomades, ou pour certaines déjà « partiellement » sédentarisées, après le IIIe siècle av. J.-C. ; l’étudier en relation avec les occupations précédentes et suivre ainsi l’évolution culturelle dans son expression la plus large. Un autre intérêt majeur est de reconsidérer le phénomène urbain depuis l’époque post-achéménide et hellénistique, à travers le prisme des relations entre ces entités urbaines et les villes iraniennes occidentales et orientales. Enfin, l’étude détaillée des productions locales et des importations permet d’investiguer en profondeur les dynamiques des échanges entre l’Orient méditerranéen et l’Asie centrale, les steppes du Nord et le sub-continent indien.

Dans ce contexte, une mission archéologique conjointe franco-iranienne, dirigée par Rocco Rante et Meysam Labbaf Khaniki, a été ouverte en 2017. Cette mission mène des activités archéologiques et géomorphologique dans la vallée de l’Atrek.

Le réseau hydrographique de la vallée de l’Atrek

Les caractéristiques géomorphologiques de la vallée de l’Atrek sont étudiées en collaboration avec Éric Fouache et Ambre Muller (Sorbonne Université). La carte géomorphologique partielle montre les occupations humaines qui se distribuent le long du fleuve Atrek, bordé au nord par l’ancienne route militaire et commerciale. Sont bien visibles aujourd’hui les anciens cours d’eau qui, du piémont sud du Kopet Dagh, descendaient et irriguaient toute cette vaste aire. Les autres ressources en eau correspondent aux qanats, probablement conçus ici dès l’époque parthe.

La vallée de Robat-e Sefid et le site de Robat-e Sefid/Bazeh Hur

La vallée où s'élèvent les villages de Bazeh Hur et Robat-e Sefid se situe le long de l'ancienne route reliant Mashhad (anciennement Tūs) à Torbat-e Heydarieh (anciennement Zāveh), traversant les villages d'Asad Abad et Robat-e Sang vers le sud. La vallée est distante d'environ 100 km de Mashhad et à peu près de la même distance de Nishapur, en passant par Soltanabad-e Namak. Elle est entourée de montagnes, au nord et du sud, lui conférant ainsi une orientation est-ouest. Cette zone se caractérise par la présence de montagnes de gypse, également orientées est-ouest, présentant des nuances graduées de blanc, de rose et de rougeâtre. Un grand lit de rivière, aujourd'hui à sec, traverse cette vallée de l'est vers l'ouest, témoignant d'une ancienne capacité en eau dont l'importance surprend le visiteur et semble disproportionnée par rapport aux dimensions de la vallée, d'une superficie d'environ 9 km². La rivière, appelée Kal-e Divune, prend sa source environ 10 km en amont, à l'est, depuis la chaîne de montagnes orientale séparant la vallée de la route principale menant à l'Afghanistan. Elle est également alimentée par un bras important, plus court et venant du sud-est, rejoignant le lit principal précisément au début des premières colonies islamiques. D'autres rivières plus petites, provenant des montagnes environnantes, alimentaient également la Kal-e Divune, qui se jette finalement dans le Shurah Rud, quelques kilomètres plus au nord-ouest.

La vallée de Robat-e Sefid/Bazeh Hur illustre le développement, à la fin de l'époque sassanide (VIe siècle), de zones rurales situées sur des routes caravanières, ce qui implique l'aménagement du territoire pour les populations qui les traversaient. Des monuments religieux y furent ainsi érigés, une tradition qui se perpétua pendant la période islamique (Rante and Labbaf 2021: 150-165).

Robat-e Sefid devint un passage essentiel entre les régions du sud et celles du nord, auquel se connectaient les principales routes commerciales (Rante et al., 2016: 437-447). Cette ancienne route, reliant Kerman à Torbat-e Heydarieh et à Mashhad, est encore aujourd'hui empruntée par les pèlerins se rendant au mausolée de l'imam Reza. La découverte de lieux de culte sassanides et d'édifices islamiques, qu'il s'agisse de musalla ou de caravansérails, corrobore le fait que la vallée jouait déjà un rôle d'« étape » à l'époque sassanide et que, de par sa situation géographique et stratégique, elle devint également un nœud crucial à l'époque islamique.

Le programme de recherches en Iran oriental et la mission archéologique franco-iranienne dans le Khorasan bénéficient du soutien du musée du Louvre (2018-2024) et du ministère des Affaires étrangères, en collaboration avec le Centre de recherche du patrimoine culturel et du tourisme iranien et le Centre iranien de la recherche archéologique, ainsi qu’avec l’université de Téhéran.

En savoir plus / Liens utiles

Références bibliographiques

  • Gyselen, R. 1989. La géographie administrative de l’Empire sassanide, Leuven.
  • Gyselen, R. 2003. « La reconquête de l’est iranien par l’empire sassanide au VIe siècle, d’après les sources “iraniennes” », Arts Asiatiques 58 : p. 162-167.
  • Rante, R. 2015. « “Proper Khorasan” and “Great Khorasan”, within a politico-cultural framework », in : The Greater Khorasan, Rocco Rante éd., dans Supplément de Der Islam, De Gruyter, Berlin : p. 9-26.