Bénin - Il y a 350 ans

Les palais royaux d'Abomey

En Afrique sub-saharienne, les palais royaux sont autant des lieux d’exercice de pouvoir politique que de démonstration d’une puissance magico-religieuse, dans le contexte de la culture et de la religion vaudou. Les palais royaux d’Abomey, à 150 km au nord de Cotonou (Bénin), classés au patrimoine mondial de l’Unesco en 1985, en sont un exemple caractéristique.  

Une partie du palais du roi Houegbadja (1645-1685), Abomey. © Philippe Charlier

La mission archéologique et anthropologique Archéologie de l’exercice du pouvoir Royal et Magico-religieux, palais d'Abomey (AROMA) vise à en connaître la chronologie précise entre les XIIIe et XXe siècles, et le détail des activités et des rituels magico-religieux. Elle multiplie les approches et les méthodes d’investigations, utilisant notamment les moyens médico-techniques pour l’analyse des résidus (par exemple intra-céramiques ou au cœur des murs et enduits) et l’identification des zones d’activités. 

La mission AROMA a deux objectifs :

  • mieux comprendre l’organisation des rituels d’expression du pouvoir royal temporel et spirituel au sein des palais d’Abomey, du XVIIe au début du XXe siècle, principalement centré par la manifestation de rites magico-religieux vaudou.
  • développer les recherches archéologiques au Bénin (principalement dans le contexte de la construction du nouveau musée national d’Abomey), en contribuant à la formation d’une nouvelle génération d’archéologues tant en contexte de sauvetage que de fouilles programmées, et à la protection/valorisation du patrimoine matériel et immatériel en danger. 

Les rituels magiques comme expression du pouvoir royal

Une des particularités des palais royaux d’Abomey est la continuité des rituels quotidiens, rythmés par les fêtes d’intronisation, de funérailles et de dates anniversaires, qui en fait un lieu « vivant » intégrant les traces - tantôt monumentalisées, tantôt très ténues - d’actions passées établies depuis au moins le début du XIXe siècle (et probablement bien plus ancienne si l’on intègre l’idée d’une réoccupation/remodelage de palais plus anciens : XVIIe siècle environ, sur une occupation non-palatiale du XIIIe siècle). Si les données sur leurs constructions (architecture, décoration), leurs évolutions (données historiques et ethnologiques), leurs modes de fonctionnement (étiquette de Cour) sont relativement bien connues, en revanche, la quotidienneté des rituels anciens apparaît totalement méconnue. C’est donc tout un pan de ce patrimoine immatériel exceptionnel et en danger qu’il est possible de reconstituer par l’archéologie. 

Une nouvelle dynamique archéologique au Bénin

Le contexte actuel est particulièrement favorable à la mise en place de ces recherches, avec un réel appui tant des structures culturelles et patrimoniales locales, que des services diplomatiques français in-situ. En outre, l’urgence relative de la construction programmée du futur musée national d’Abomey (le directeur français de la fouille faisant partie de son comité scientifique) comme la multiplication des dégradations aux abords des palais royaux justifient une pérennisation et intensification de ce projet. 

Ces recherches archéologiques ont pour but de préciser la chronologie de l’organisation du pouvoir royal à Abomey, mais aussi d’apporter une matérialité aux rituels magico-religieux entourant la personne du roi et sa cour, dans le contexte chrono-culturel du vaudou et de la divination Fa. Cet ensemble patrimonial en danger doit être exploré et sauvegardé de façon urgente (en enrichissant notamment les collections et matériaux d’étude et de référence du futur musée national d’Abomey), et permettra d’enrichir le discours culturel local, mais aussi de former une nouvelle génération de chercheurs en archéologie et médiation culturelle.