Il y a 2 100 ans

L’oppidum des Châtelliers à Amboise

Occupé de manière continue depuis le Néolithique et fortifié à plusieurs reprises, le plateau des Châtelliers est notamment le siège du chef-lieu du peuple gaulois des Turons. Soixante-quinze ans de fouilles et de recherches sur le site ont permis d’éclairer la vie urbaine en Gaule celtique.

Vue aérienne de l’oppidum des Châtelliers et du Val de Loire à Amboise. © J. Pairis. CD 37, ADIL

Le vaste plateau triangulaire qui surplombe la confluence de la Loire et de l’Amasse est mentionné dans les sources écrites depuis une période très reculée, en raison du caractère élitaire de ses occupants. Des fouilles intensives ont permis depuis plusieurs décennies de confirmer l’ancienneté et le caractère privilégié des occupations qui se sont succédé ici.

Une tradition historiographique presque millénaire

La ville antique d’Amboise est mentionnée pour la première fois au IVe s. apr. J.-C., sous le nom d’Ambacia (du gaulois amba- : rivière). Au XIIe s., dans la chronique « Liber de compositione castri ambaziae », un moine tourangeau établit un rapprochement entre le plateau des Châtelliers et les camps d’hivernage des légionnaires mentionnés par Jules César. Cette assertion sera véhiculée pendant des siècles, bien qu’aucune preuve ne confirme à ce jour cette identification.

Le XIXe s. voit l’intérêt grandissant des érudits et la publication de plusieurs ouvrages sur le site (notamment les essais d’Étienne Cartier en 1842 et l’histoire de la ville de l’abbé Bosseboeuf en 1897). Le début du XXe s. est quant à lui marqué par un ralentissement des recherches, à l’exception notable du texte précurseur du géographe Roger Dion, qui établit dès 1937 un parallèle entre les trajectoires des sites de Bibracte (le Mont-Beuvray) et d’Ambacia.

Des dizaines de fouilles

Dans les années 1970, menacé par un ambitieux programme d’urbanisation, le plateau fait l’objet de fouilles d’urgence, menées par une équipe locale de bénévoles dirigée par André Peyrard. Pendant près de 10 ans, les travaux vont se succéder, permettant de renseigner divers aspects de la ville antique : temples, remparts, structures artisanales... Plusieurs milliers de caisses d’objets sont exhumées sans que de véritables moyens de recherche soient mis en œuvre pour en assurer l’étude, C’est seulement à partir des années 2000 que sont engagées des opérations permettant, d’une part, de fouiller exhaustivement les vestiges et, d’autre part, d’assurer leur étude complète. À ce jour, plus d’une centaine d’opérations archéologiques ont été réalisées autour du plateau des Châtelliers – diagnostics et fouilles –, dont une soixantaine intra muros. Celles-ci ont permis de réaliser des observations sur près de 8 ha cumulés, soit 15 % de la superficie du site.

Une succession d’occupations privilégiées

À l’extrémité occidentale du plateau, sous l’actuel château d’Amboise, les occupations se succèdent depuis le Néolithique moyen, où une première fortification délimite un espace d’environ 8 ha. À l’âge du Bronze final, de nombreux objets métalliques et céramiques témoignent d’échanges à longue distance (arc alpin, Nord de l’Italie). À la fin du premier âge du Fer, l’éperon reste le siège d’un habitat élitaire, documenté par la présence d’au moins une construction monumentale. On remarque par ailleurs la présence d’un tertre de 70 m de diamètre –  Butte de César – que ses caractéristiques architecturales permettent d’identifier comme un tumulus princier de la même époque.

À la période gauloise, le plateau fait l’objet d’un projet de type urbain. Un nouveau rempart long de 800 m porte la superficie du site à 50 ha. Les fouilles démontrent que l’intégralité de cette surface est occupée au Ier s. av. J.-C. Les caractéristiques de cette ville permettent d’envisager qu’Ambacia constituait alors un chef-lieu pour le peuple des Turons. Au centre se développe un quartier public, dédié aux activités politiques et religieuses. Les milliers de monnaies mises au jour depuis le XIXe s. attestent qu’il s’agit en outre d’une place commerciale de premier plan.

Après la création de Tours – Caesarodunum, à 25 km de là –, autour du changement d’ère, le site semble connaitre un lent déclin. Il reste toutefois l’une des agglomérations secondaires principales de ce territoire. Après le IIIe s., le plateau est largement déserté, à l’exception notable de la pointe où se développe progressivement une forteresse.

En 2023, une quarantaine de chercheurs impliqués dans les opérations de fouilles les plus récentes se sont regroupés au sein d’un Projet Collectif de Recherche (PCR Ambacia). Leur objectif est de rassembler et d’homogénéiser la vaste documentation relative à ce site, fruit du travail de multiples intervenants : bénévoles, Afan, Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), Service de l’archéologie du département de l’Indre-et-Loire, entreprise Eveha et Université de Tours.

Liens utiles