Oman - Il y a 4500 ans

L’oasis de Bisya

Bisya, dans les contreforts sud des monts Hajar, est l'une des zones archéologiques les plus denses de la péninsule Omanaise. Au confluent de plusieurs wadis et bénéficiant de ressources minérales, la région est peuplée depuis le Paléolithique. Elle connut un développement très prospère au Bronze ancien puis à l’âge du Fer, avec la citadelle de Husn Salut.

Al-Dhabi 2, opération D : la tour du Bronze ancien (© S. Sepeau)

La mission étudie les établissements humains en milieu semi-aride dès le Paléolithique. Plus particulièrement, les recherches portent sur l’émergence des premières oasis au Bronze ancien, à al-Dhabi 2, avec de multiples innovations : agrosystème oasien, architecture monumentale, domestication du palmier dattier et premiers systèmes d'irrigation.

L’adaptation des populations humaines à un environnement semi-aride

En péninsule Arabique, les installations humaines ne sont possibles qu’à proximité d’eau. Pour le Paléolithique et le Néolithique, périodes où le climat des piémonts sud des monts Hajar devait être plus humide que l’actuel, nos recherches ont permis de repérer de nombreux sites d’épandage en surface de matériel lithique (silex taillés) qui indiquent une présence humaine. Au Bronze ancien, au IIIe millénaire av. J.-C., le climat s’aridifie : une gestion durable de l’eau s’est imposée, selon des modalités à préciser – bassins de rétention des crues des cours d’eaux temporaires, captation grâce à des fossés ou des puits sur les nappes phréatiques, canalisation des sources. Le falaj (au pluriel aflaj), système d’irrigation classé à l’UNESCO semble apparaître, dans l’état actuel de nos connaissances, à l’âge du Fer au Ier millénaire av. J.-C. Notre équipe de préhistoriens et d’environnementalistes travaillent à préciser ces questions.

    Le modèle oasien

    Les oasis permettent l’occupation durable des milieux arides. Elles sont basées sur la culture irriguée du palmier-dattier, qui semble débuter aux IVe-IIIe millénaires av. J.-C. en Arabie orientale. Le développement de cette culture est associé à une série d’innovations : architecture monumentale, domestique et funéraire, mise en place de nouveaux artisanats, échanges maritimes à longue distance. Ce phénomène se déroule à l’âge du Bronze ancien, divisé entre les périodes Hafit (3200-2700 av. J.-C.) et Umm an-Nar (2700-2000 av. J.-C.). La fouille d’al-Dhabi 2, un site « tout-en-un » d’époque Umm an-Nar, avec sa tour monumentale (une des plus grande d’Oman), son quartier d’habitat et ses tombes collectives, apporte des informations fondamentales sur la genèse de ce modèle oasien. Sa localisation dans une région comptant une vingtaine de tours de la même époque nous permet d’envisager une étude multiscalaire à l’échelle du site comme à celle de la région.

      De profondes modifications sociales au Bronze ancien

      Ces mutations socio-économiques et techniques ont été mises en relation avec le développement des échanges maritimes sur de grandes distances. On pense notamment, pour la péninsule d’Oman, à l’exploitation du cuivre et de la diorite à destination de la plaine mésopotamienne urbanisée, mais on pourrait également évoquer les dattes et leurs dérivés. Le pays de Magan (tel que l’appellent les textes mésopotamiens) est également en contact avec d’autres régions voisines, comme en témoigne la découverte à al-Dhabi de céramique importée d’Iran et de la vallée de l’Indus ainsi que de nombreuses perles de cornaline qui pourraient être d’origine locale aussi bien que provenir de la région de l’Indus.

      L’organisation sociale des sociétés du Bronze ancien semble également marquée par l’importance de la collectivité. Dans le domaine funéraire, la péninsule Arabique est caractérisée par la présence de tombes collectives en cairn (tumulus de pierres) par dizaines de milliers. Elles semblent à mettre en relation avec le développement d’économies de production (pastoralisme puis agriculture-horticulture). L’équipe d’archéoanthropologues dirigée par O. Munoz s’attache à inventorier ces tombes (quelque 2650 tombes à Bisya) afin de les dater et d’en fouiller un échantillon représentatif.

      L’étude des artisanats locaux, qui apparaissent à cette époque, permettra d’en apprendre plus sur la structure interne de ces communautés : céramique, métallurgie du cuivre, parure, vaisselle de pierre tendre.

        Les spécificités de la péninsule Omanaise

        Les vestiges des sociétés d’Arabie orientale témoignent de leur originalité culturelle marquée, tant dans l’architecture (tours monumentales, tombes, habitats) que dans l’artisanat (céramique, pierre tendre, métallurgie) et le domaine funéraire (sépultures collectives, riche mobilier local et importé). La complexité de ces communautés s’est d’emblée imposée aux premiers archéologues mais l’absence de signe ostentatoire de pouvoir individuel et de hiérarchisation sociale, d’indices d’un fonctionnement étatique ou urbain, en fait un cas à part.

        L’équipe

        La mission est codirigée par Martin Sauvage (ingénieur de recherche au CNRS, UMR 7041, Nanterre) et Mathilde Jean (post-doctorante National Geographic Society), accompagnés de Victoria de Castéja (ingénieure d'études au CNRS, UMR 7041, Nanterre), en charge de la logistique et des bases de données. Participent également à cette mission :

        • Pour l'axe archéologique dirigé par Mathilde Jean : Maria Paola Pellegrino (chercheuse à ArChaios), Josselin Pinot (doctorant à l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne), Théo Mespoulet (doctorant à l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne), Ola Abdel Hamid (master de l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne), Sofian Boudia (master de l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne), Elisa Kerkaert (étudiante en master 2 à l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne) et Salomé Sepeau (étudiante en master 2 à l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne) ;
        • Pour l'axe sur les pratiques funéraires mené par Olivia Munoz (chercheuse au CNRS, UMR 8215, Paris, directrice du programme ANR ARABAINCAIRNS) : Kaïna Rointru (archéoanthropologue indépendante), Marie Laguardia (chercheuse associée, UMR 7041, Nanterre), Caroline Renaux (archéoanthropologue indépendante), Paula Gomez-Sanz (doctorante, Universidad Autónoma de Madrid), Marianne Cotty (responsable du centre de documentation du département des Antiquités orientales, musée du Louvre, Paris) ;
        • Pour l'axe sur le Paléolithique dirigé par Amir Beshkani (postdoctorant au musée de l'Homme, Paris) : Stéphanie Bonilauri (chercheuse au CNRS, UMR 7194, Paris), Kim Seolmin (étudiante en master 2 à l'université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne) et Maxime Gouin (étudiant en master 1 à l'université Paris-Nanterre) ;
        • Pour l'axe paléoenvironnement dirigé par Tara Beuzen-Waller (géomorphologue, postdoctorante à l'université de Tübingen) : Dana Pietsch (pédologue, chercheuse indépendante, université de Tübingen) et Lucas Proctor (anthracologue, postdoctorant à l'université de Francfort).