Eynan-Mallaha
Eynan-Mallaha est un gisement préhistorique de plein air parmi les plus importants du Proche-Orient, installé non loin des sources du Jourdain au bord d’un lac aujourd’hui disparu. Depuis 70 ans, on y explore les ruines d’un hameau bâti à la fin du Paléolithique par des chasseurs-cueilleurs.
C'est à Eynan-Mallaha qu'ont été identifiées les toutes premières maisons natoufiennes, formant un hameau occupé entre 12 500 et 9 700 av. J.-C. Cette découverte et l'impressionnante superpostion des vestiges sur près de 3 mètres d'épaisseur font d'Eynan-Mallaha un site de référence parmi les plus prestigieux de cette période.
Les Natoufiens : tout premiers sédentaires paléolithiques
À la fin de l’ère glaciaire, certaines communautés de chasseurs-cueilleurs qui occupent le Proche-Orient délaissent un mode de vie nomade ancestral pour se fixer durablement au même endroit pendant plusieurs générations. C’est la naissance des premiers hameaux il y a 15 000 ans. Ils sont constitués de quelques dizaines de maisons rondes semi enterrées construites en pierre et en bois, régulièrement restaurées. Certaines d’entre elles sont de très grandes dimensions et pouvaient accueillir une famille élargie.
Après 3 000 ans d’évolution, ces hameaux natoufiens (de la vallée éponyme Wadi en-Natuf, en Palestine, où fut découvert le premier site de cette culture en 1928) se transforment en village et progressivement une économie agricole et pastorale supplante la chasse et la cueillette. C’est ce que l’on nomme la néolithisation.
Suivre le processus de sédentarisation pas à pas
C’est en 1955 qu’ont été identifiées les premières maisons natoufiennes, à la suite de la destruction partielle du site lors de l’aménagement d’une usine voisine. Au fil des campagnes de fouille c’est tout un hameau qui est mis au jour. Fort d'une imposante stratigraphie, le site d'Eynan-Mallaha constitue un laboratoire privilégié pour examiner au fil des siècles les transformations de l'architecture, les modes d'occupation du sol, l'exploitation du territoire et de ses ressources, la production d'objets techniques et symboliques et les comportements funéraires. Il permet ainsi d’interroger les mécanismes qui ont mené, à la fin du Natoufien, à l’adoption d’une économie agricole et pastorale (Néolithisation) dont nous sommes encore les héritiers aujourd’hui.
70 ans de recherche
Le caractère exceptionnel du site apparaît très tôt après sa découverte en 1955. Il a depuis été fouillé de manière intermittente par plusieurs équipes qui ont axé leurs recherches sur les niveaux les plus anciens (Natoufien ancien) dans les années 1970, puis sur la dernière occupation du site avant son abandon (Natoufien final), dans les années 1990-2000. Les fouilles ont repris en 2022 sous la direction de Fanny Bocquentin (CNRS) et Lior Weissbrod (Israel Antiquities Authority) soutenus par une équipe de 30 experts internationaux. L’objectif est de mieux définir la période d’occupation intermédiaire (le Natoufien récent), de mieux dater les différentes couches, de répondre à des thématiques de recherche émergentes et de valoriser l’héritage scientifique de ces 70 ans d’exploration.
Des archives au terrain : un dialogue indispensable
Les archives scientifiques du site de Mallaha (1955-2005) sont conservées au service des archives de la MSH Mondes à Nanterre (MSHM). Il s’agit de relevés originaux, de notes, de photographies, d’inventaires, de rapports préliminaires. Leur exploitation, toujours en cours, nous a encouragé à retourner sur le terrain en 2022. Au-delà des publications existantes, les archives une fois inventoriées et numérisées permettent d’aborder le site différemment grâce à de nouveaux outils ou de nouveaux questionnements. Ainsi le traitement SIG des données anciennes permet une meilleure compréhension et visualisation des successions d’occupation. Il permet de restituer l’organisation interne des maisons et d’interroger la relation exacte entre les sols et les nombreuses fosses sépulcrales par exemple. La place des morts dans la société natoufienne est centrale et leur emplacement dans le hameau est une clé majeure de compréhension de l’évolution de l’organisation de la maison et du hameau. C’est un aller-retour permanent entre les archives et le terrain qui permet de comprendre la finesse de cette relation à travers les données enregistrées et celles en cours d’exposition. Cette démarche a permis également de déployer pour la première fois une archéologie du bâti adaptée aux constructions préhistoriques dont les ruines sont ténues. Les élévations encore en place et les analyses des relevés et photographies anciennes éclairent les solutions techniques mises en place par ces premiers bâtisseurs pour construire des maisons circulaires de grand diamètre.
Valorisation, formation, transmission
Le site d’Eynan-Mallaha témoigne d’un basculement sans retour des sociétés humaines du nomadisme vers la sédentarité et il est important de raconter cette histoire à un large public. Le site témoigne aussi d’une approche scientifique particulière, à la française, très descriptive, à contre-courant de l’approche anglo-saxonne hypothético-déductive qui domine la littérature scientifique. Ces approches sont complémentaires et il faut préserver cette diversité c’est pourquoi nous menons un travail d’intégration des acteurs locaux (étudiants, partenaires) et de restitution et de valorisation à plusieurs niveaux des résultats scientifiques (publications, panneaux d’exposition, conférence, entretiens fimés, film d’animation).
La fouille a pour partenaires institutionnels et financiers principaux le CNRS (UMR8068 TEMPS), L’Office des Antiquités israéliennes (IAA), la fondation ARPAMED, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le Centre de Recherche Français à Jérusalem, la Irene Sala Levi CARE Archaeological Foundation, la Maison des Sciences de l’Homme Mondes (MSHM), le DIM-PAMIR, l’Ambassade de France, CNRS Images. Elle est aussi soutenue par un ensemble d’acteurs locaux.
En savoir plus
- Hunter-gatherer-builders: 70 years of research at the Natufian hamlet of Eynan-Mallaha (upper Jordan Valley, Israel).
- En Galilée, sur les traces des premiers bâtisseurs
- Fonds Jean Perrot, Archives de la MSH Mondes
- Le projet DOM-NAT : L’invention de la maison durable chez les primo-sédentaires du Proche-Orient
- Panneaux d'exposition :
- Des chasseurs-cueilleurs aux agriculteurs-éleveurs
- Du passé au présent : la source d'Eynan/Ain Mallaha comme fil conducteur
- Eynan-Mallaha : une exceptionnelle fenêtre ouverte sur notre passé - Collection Mallaha sur Canal U