Le cycle de l'eau à Baelo Claudia
Nichée dans une baie entre le littoral atlantique et méditerranéen, à l’extrême sud de l’Andalousie, la ville portuaire de Baelo Claudia est l’un des sites les plus importants du détroit de Gibraltar pour la connaissance de l’époque romaine et surtout l’un des mieux conservés de la péninsule Ibérique. Elle constitue en outre un véritable conservatoire des vestiges archéologiques en matière d’hydraulique.
Fouillée de manière discontinue depuis près de 100 ans par les archéologues français (Casa de Velázquez) et espagnols essentiellement, c’est d’abord la découverte de sa parure monumentale, particulièrement bien conservée (forum, Capitole, temple d’Isis, rempart) qui a fait la renommée de ce site préservé et appartenant au Parc naturel du Détroit de Gibraltar. De plus, de nombreux bassins destinés à la fabrication de salaisons de poissons (garum notamment) commercialisées dans tout l’Empire romain, furent mis au jour au sud de la ville, en bord de mer. Cette activité économique est probablement à l’origine de la richesse de Baelo Claudia qui put développer son urbanisme (théâtre, thermes, forum…) au fil des siècles.
L'étude du cycle de l'eau
Le projet s’intéresse à un aspect singulier, celui du cycle de l’eau d’une ville antique, soumise à un climat semi-aride mais aux pluies parfois torrentielles, et exploré à travers l’analyse de structures hydrauliques particulièrement nombreuses, dont plus d’une centaine ont été dénombrées à ce jour.
La ville était ainsi alimentée par trois aqueducs, fait exceptionnel pour une cité de ce statut. Un seul château d’eau est pour l’heure reconnu dans le quartier nord de la ville, mais il est comparable à celui d’Ostie (port de Rome), avec des proportions toutefois plus modestes. L’analyse globale que nous proposons des différentes découvertes permet de restituer une partie du fonctionnement du réseau d’eau potable : puits dans les maisons, citernes dans les usines à salaisons, fontaine monumentale publique ornant le forum au pied du Capitole ou fontaines du pulpitum du théâtre. L’ensemble était complété par des systèmes d’assainissement tels que des égouts, dont plusieurs dizaines de tronçons ont été mis en évidence autour de l’espace public et des rues adjacentes, ainsi que dans les boutiques/ateliers. Ces équipements d’adduction, de stockage, de distribution et d’évacuation d’eau sont liés aux activités domestiques, économiques, cultuelles, sportives ou politiques – évergétisme en particulier.
L'extension des recherches
Les recherches actuelles portent sur de nouveaux quartiers urbains et périurbains tels que : un secteur situé au nord des thermes, de manière à comprendre son réseau hydraulique et l’extension du bâtiment, ainsi qu’un îlot à vocation artisanale, compris entre le cardo 2 et le macellum, qui doit être identifié comme une boulangerie. C’est pourquoi, en synergie avec le projet Circ-E de l’Université de Séville, dirigé par la professeure Oliva Rodríguez Gutiérrez, et grâce au soutien de la Commission des fouilles du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) depuis 2022, cette mission archéologique développe aussi de nouveaux aspects liés notamment à l'élimination des déchets liquides (égouts) et solides (décharges urbaines).
L’objectif est ainsi de tenter d’évaluer l’état sanitaire de la ville, à travers différentes approches pluridisciplinaires. Ce sont donc toutes les composantes d’un réseau hydraulique complet qui sont représentées à Baelo Claudia mais elles n’avaient jamais été étudiées de manière exhaustive, alors que leur examen confirme l’originalité et la complexité de leur conception, commanditées par les autorités publiques ou du fait d’initiatives privées. L’étude du cycle de l’eau reflète ainsi l’évolution urbaine, ses transformations et les moyens mis en œuvre par les magistratures publiques pour satisfaire les besoins de la population.
Un projet international et pluridisciplinaire
Émanant notamment de rencontres scientifiques organisées à Poitiers (2015) et Cadix (2018) par des chercheurs de la Casa de Velázquez et de l’université de Cadix, ce projet pluridisciplinaire et novateur fédère une équipe internationale de chercheurs majoritairement français et espagnols, aux spécialités multiples (archéologues, archéomètres, géophysiciens, géomorphologues, paléobotanistes, archéozoologues, céramoglogues, topographes…) qui, par leurs approches croisées, travaillent à la fois à l’échelle du territoire de la ville de Baelo Claudia jusqu’à celle de quartiers spécifiques. Ainsi cette mission se décline en propspections sur le tracé extra-muros des trois aqueducs, en étude architecturale de la ville (par l’inventaire des structures liées à l’eau) et en sondages archéologiques dans différents secteurs urbains et péri-urbains, complétés par des analyses en laboratoire.
La mission est soutenue par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.