Projet régional Cancuen-Raxruha
Au cours du IXe siècle, l’ensemble des cités mayas des Basses Terres ont été abandonnées pour n’être plus jamais réoccupées. Ce projet propose d’aborder ce phénomène d’effondrement politique et démographique à partir de l’étude de la zone frontière entre les Hautes Terres et les Basses Terres mayas au Guatemala.
Cancuen compte parmi les premières cités abandonnées dans les Basses Terres, tandis que les sites de la partie montagneuse présentent une occupation bien plus longue. Étudier la frontière entre ces deux régions permet d’aborder les réorganisations socio-politiques et les mouvements de population consécutifs au phénomène d’effondrement.
L'effondrement du IXe siècle
Si les cités classiques les plus connues se situent dans les Basses Terres, l’abondance de sites recensés dans les Hautes Terres montre qu’elles étaient également très peuplées. Le Nord de l’Alta Verapaz au Guatemala constitue topographiquement un passage obligé entre ces deux régions, et faisait par conséquent l’objet de compétitions intenses pour le contrôle des capitales régionales qu’étaient Cancuen et Raxruha. À partir du IXe siècle apr. J.-C., on observe pourtant une désertion radicale de ces deux cités, sans réoccupation postérieure, ainsi qu’une rupture dans les routes commerciales qu’elles contrôlaient. Ce phénomène initie la vague d’abandon qui s’étendra ensuite sur l’ensemble des Basses Terres.
Cette région est à la fois une zone frontière entre deux grandes entités culturelles et géographiques, une zone stratégique pour les échanges, et la première à subir les effets de l’effondrement. L’étudier permet donc de saisir la nature des interactions entre groupes sociaux dans cette aire stratégique au moment de la crise, mais aussi de déterminer les mouvements de populations de groupes mayas qui ont fait suite au collapse. En effet, l’une des conséquences de l’abandon des cités des Basses Terres a été une redéfinition des routes et des relations de pouvoir, qui semblent se recentrer sur les Hautes Terres à la période suivante.
Les Hautes Terres préservées ?
Pourtant, que ce soit pour les groupes céramiques, les styles architecturaux, ou les typologies lithiques, ce que nous appelions « Hautes Terres » a toujours été caractérisé en négatif par rapport aux « Basses Terres », alors que nos travaux récents montrent que la partie montagneuse de l’aire maya présente des dynamiques propres qui restent encore à documenter. D’un point de vue climatique en particulier, plusieurs éléments indiquent que les Hautes Terres n’ont peut-être pas souffert de la sécheresse généralisée qui semble avoir frappé les Basses Terres à la même époque. Cette donnée est cruciale à vérifier car elle pourrait en partie expliquer les raisons de la persistance de l’occupation après le collapse ; cela pourrait également indiquer qu’elle a servi de refuge à une partie de la population des Basses Terres. Pour développer cet axe de recherche, grâce à l’ANR PASTFORCE, nous avons ainsi choisi d’étudier le lac de Lachua, une dépression karstique circulaire située dans le Parc National Lachua (Alta Verapaz) afin d’y pratiquer un carottage profond au milieu et obtenir une séquence sédimentaire continue.
Vers une caractérisation des Hautes Terres
La fouille, le relevé cartographique des sites de la région, l’étude typo-technologique des artefacts, couplée avec l’analyse isotopique des ossements menée grâce à la collaboration avec Université de Okayama au Japon permettent d’apporter un nouvel éclairage sur les mouvements de population dans cette région frontalière. L’ensemble de ces données permettra de mieux caractériser les spécificités culturelles, environnementales et chronologiques des Hautes Terres et de cette zone frontalière, régions aussi peu étudiées qu’indispensables à la compréhension de la géopolitique de l’aire maya à travers le temps.
Financé par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) depuis 2016, avec le soutien de la fondation Gerda Henkel, l’UMR 8096 Archéologie des Amériques et l’IDAEH (Guatemala), ce projet réunit 29 chercheurs et étudiants de 5 nationalités différentes, il est intégré dans de nombreuses collaborations internationales : Okayama University (Japon), Universidad San Carlos, IDAEH (Guatemala), et nationales : Université Nice Côte d’Azur ; CEPAM UMR 7264 ; laboratoire Chrono-Environnement UMR 6249 ; Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement), et son volet environnemental fait à présent l’objet d’une une ANR (PASTFORCE 2025-2028, dir. Lydie Dussol).