Mauritanie - Il y a 900 ans

Azougui

La ville oasienne médiévale d’Azougui n’a jamais disparu de la mémoire de Mauritanie : niché à la confluence de plusieurs oueds dans un écrin d’humidité, rare au Sahara, cet ancien centre urbain et agricole, siège d’un pouvoir tribal et point de relai du commerce transsaharien, est aujourd’hui enfoui sous les sables mais fait l’objet de visites pieuses qui en font encore aujourd’hui un objet patrimonial de premier plan à l’échelle nationale.

Vue aérienne du village d’Azougui, établi sur le tell archéologique médiéval © MAAT

Tout comme la plupart des anciennes villes caravanières médiévales du Sahara, le site d’Azougui reste aujourd’hui entièrement à explorer d’un point de vue archéologique. Un premier sondage conduit en 1980-1981, resté sans lendemain, a prouvé le considérable potentiel scientifique de ce gisement, occupé de manière dense pendant plusieurs siècles. Quarante-cinq ans plus tard, la Mission Archéologique d’Azougui et la vallée de Teyart (MAAT) a permis d’engager concomitamment des travaux scientifiques, des opérations patrimoniales et des actions en termes de développement. 

Un retour après 45 ans d'absence

Azougui, identifié par l’auteur arabo-andalou al-Bakrî (XIe siècle) comme le cœur du territoire de la tribu berbère Lamtûna et la région berceau du mouvement almoravide, se présente aujourd’hui comme un tell archéologique d’environ 10 ha au sommet duquel s’est développé, depuis le courant des années 1970 et la sédentarisation massive des populations nomades du Nord de la Mauritanie, un village moderne de plusieurs centaines d’habitants. 

Si les sondages archéologiques de 1980-1981 ont certifié une longue durée d’occupation du lieu, remontant au moins au XIe siècle, ces premières initiatives quoique fructueuses ont été très limitées tant dans l’espace que dans le temps : elles ne demandaient qu’à être relayées par l’engagement d’un programme de beaucoup plus grande ampleur. Dans un contexte où les recherches en archéologie historique et où la formation à l’archéologie ont disparu de Mauritanie, et où aucune fouille d’ampleur n’a eu lieu depuis près d’un demi-siècle dans le pays, la MAAT se structure depuis 2025 autour de quatre axes principaux : le développement de la connaissance historique et environnementale d’Azougui et de sa région immédiate (vallée de Teyart) ; la protection et la valorisation du patrimoine archéologique et historique dans la même région ; la formation initiale et continue dans le domaine de l’archéologie et du patrimoine des collègues et étudiants mauritaniens ; et l’action en direction du développement culturel, social, éducatif et économique local. 

La qasba d'Azougui

Le premier quadriennal du programme Azougui et la vallée de Teyart est dédié à l’étude d’un secteur du site archéologique aujourd’hui communément qualifié par les riverains de qasba (lekseiba). La qasba est ce champ de ruines situé au cœur du village actuel d’Azougui qui, jusque dans les années 1980 et le début de la recolonisation urbaine, formait une vaste enceinte pseudo-carrée de 100 m de côté environ, scandée de bastions sur tout son pourtour. Identifiée depuis les années 1950, et la proposition malheureuse de Raymond Mauny, comme la forteresse almoravide d’Azougui – celle-là même révélée par le texte d’al-Bakrî au XIe s. –, cette structure a été depuis lors définitivement réattribuée à l’époque moderne grâce aux explorations archéologiques de Denise Robert-Chaleix et Bernard Saison en 1980 et 1981, sans que toutefois sa fonction n’ait été déterminée. 

Malgré ce changement de perspective, la qasba continue de cristalliser l’attachement profond des riverains à leur patrimoine historique local et suscite à la fois de la curiosité intellectuelle et un espoir de développement économique à qui imagine déjà ce monument sorti de terre comme attraction touristique. De statut privé, cette structure désormais totalement ensablée, et presque indécelable en surface, est inscrite à l’inventaire du Patrimoine National et à ce titre, elle bénéficie d’une protection administrative matérialisée sur le terrain depuis le début des années 2000 par une clôture qui a eu pour effet au cours des dernières décennies de préserver cet espace de la densification de l’habitat et surtout de le faire clairement identifier par tous, voisins comme visiteurs, comme un site archéologique.

Une réponse aux attentes locales

Si le site d’Azougui est vaste et offre nombre d’autres parcelles – moins perturbées que celle de la qasba – à l’exploration archéologique, la très forte attente sociale liée à la fouille et à l’éventuelle mise en valeur de cet édifice a poussé la mission Azougui à débuter son programme par l’étude du secteur de la qasba afin de mettre tout d’abord en avant ses problématiques sociales et de développement et en plaçant pour le moment au second plan les problématiques purement scientifiques. L’enjeu de cette stratégie est d’assurer au plus vite la pleine acceptation sociale du projet et l’insertion fluide et bienveillante des équipes archéologiques au sein du village afin d’une part d’assurer un cadre de relations sociales apaisées mais aussi et surtout de garantir la pérennité du programme. Car si celui-ci fait la démonstration rapide en peu d’années de la pertinence patrimoniale, économique, sociale et culturelle de sa démarche, il sera alors temps pour lui de développer à loisir ses problématiques scientifiques et archéologiques qui – on le sait – procèdent d’une temporalité qui excède de loin les attentes du grand public.

la Mission Archéologique d’Azougui et la vallée de Teyart (MAAT), créée en 2025, est soutenue par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Son programme scientifique est destiné à se développer sur au moins une décennie.

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