Israël - Il y a 800 ans

Atlit, un cimetière à l'époque des croisades

Le cimetière d’Atlit est le plus grand cimetière conservé de l’Orient latin. Il se situe à proximité du Château Pèlerin, édifice bâti entre 1217 et 1218 durant la cinquième croisade et confié à l’ordre des Templiers en 1220. Ce site présente, du fait de sa conservation et son étendue, les conditions idéales pour l’étude systématique d’un cimetière du Royaume franc de Jérusalem.

Secteur 1 du cimetière d’Atlit en cours de fouille en 2018. © Yves Gleize. Mission Archéologique Cimetière Atlit.

Un site méconnu

L’espace funéraire croisé d’Atlit avait été désensablé puis restauré en 1934 sous le mandat britannique mais il n’avait jamais connu de réelles fouilles archéologiques. Depuis, il s’est fortement dégradé du fait de l’érosion et des tempêtes hivernales.

Outre l’étude des pratiques funéraires, ce site exceptionnel permet de s’interroger sur son organisation et son recrutement. Le croisement des données archéologiques et anthropologiques permet d’analyser les transformations que le site a connues. La proximité du Château Pèlerin et les dalles observées (certaines monumentales) posent de nombreuses questions concernant l’identité des inhumés. Se posent également les questions suivantes : Quelle part de la population a eu accès au cimetière ? Quelle est la place des femmes et des enfants dans ce cimetière ? Des communautés distinctes y ont-elles été inhumées ? Toutes les tombes peuvent-elles être reliées à l’occupation chrétienne du site ?

Des miliers de tombes

Entre 2015 et 2017, une série de sondages archéologiques a permis de confirmer la bonne conservation des vestiges archéologique et d’identifier de premières différences dans les pratiques funéraires. Ils ont également montré que de nombreuses tombes n’étaient plus marquées au sol et que le nombre d’inhumations s’élevait à plusieurs milliers, soit nettement plus à ce qu’il était supposé jusqu’à présent. Par ailleurs, il a été possible de mettre en évidence des modifications réalisées en 1934, notamment la mise en place de marqueurs funéraires dans la partie nord du site qui ne doivent plus être considérés comme médiévaux.

À partir de 2018, les fouilles se sont concentrées sur deux secteurs distincts du cimetière. Le secteur 2, situé au sud-est du site, renferme des sépultures marquées par de grandes dalles. Les inhumations ont été faites en fosse et fermées par une couverture en bois non conservée. Les sujets inhumés sont en très large majorité des individus adultes de sexe masculin. Un d’entre eux a été inhumé avec un bâton de pèlerin dont témoigne une ferrure. Quelques squelettes présentent des indices de coups perimortem par armes tranchantes. Parmi les sujets immatures inhumés, deux sont inhumés ensemble dans un cercueil de bois ; il s’agit de la seule inhumation simultanée identifiée par l’instant sur le site.

La diversité des pratiques funéraires

Les pratiques funéraires du secteur 2 se distinguent nettement de celles observés dans le secteur 1, situé plus au sud-ouest. Dans ce dernier, les tombes y sont marquées par des amas de pierre qui étaient à l’origine enduits. L’implantation des inhumations est beaucoup plus dense avec de nombreux recoupements entre les tombes et des ossements dispersés dans le comblement des fosses. Les tombes contiennent des vases en céramique souvent brisés qui pouvaient se trouver à l’origine sur le couvercle fermant la fosse. Il s’agit en majorité de vaisselles de table originaires de Chypre et d’Italie du Sud. Quelques inhumés étaient également parés et habillés comme en témoigne la présence de différents éléments (boucle de ceinture, boucle d’oreille, épingle à cheveux, anneau, boutons, pendentifs…). Il faut noter la découverte lors de l’étude au microscope du sédiment des tombes, de nombreuses fibres textiles de différentes natures (coton, lin, laine) dont l’analyse doit être poursuivie. Quelques squelettes présentent également des marques par arme tranchante. Enfin, les inhumés sont à la fois des sujets adultes de sexe masculin et féminin et immatures. Ces différences entre les secteurs 1 et 2 posent la question de la présence de groupes sociaux-culturels distincts au sein du cimetière.

Les analyses se poursuivent actuellement pour préciser les pratiques funéraires et les caractéristiques biologiques. Des études paléogénétiques et isotopiques permettront notamment de discuter l’origine et les modes de vie des défunts et voir s’il existe d’autres distinctions entre les secteurs 1 et 2 mais aussi à l’intérieur du secteur 1 où la chronologie relative entre les inhumations permet de travailler sur des micro-évolutions. Si la céramique permet d’apporter des données chronologiques, il est encore nécessaire de réaliser de nouvelles datations radiocarbone afin de préciser si l’utilisation du cimetière a débuté avec l’implantation du Château Pèlerin ou si on peut supposer une création plus ancienne.

Un site en péril

Le cimetière d’Atlit apporte ainsi des données inédites sur les pratiques funéraires et les populations de l’Orient latin. Toutefois, ce site est en péril puisqu’il est fréquemment inondé et il est petit à petit érodé par l’avancée du trait de côte. La mission archéologique continue à alerter sur la disparition de ce patrimoine et travaillera dans les prochaines années sur les zones les plus menacées.

La mission a été motivée, soutenue et financée par le Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ). Les recherches réalisées dans le cadre deux projets quadriennaux (2018-2021 et 2022-2025) sont soutenues et financées par la commission des fouilles du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Les travaux archéologiques sur le cimetière d’Atlit ont également été soutenus et financés par l’UMR 5199 PACEA de l’Université de Bordeaux, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), la Maison des Sciences Humaines d’Aquitaine, l’association Archéologies, l’agence Clio Voyages Culturels et le fonds pour l’archéologie ARPAMED.

Les recherches actuelles sont assurées par une équipe franco-israélienne d'archéo-anthropologues et d'archéologues médiévistes.

Liens utiles

Pour en savoir plus

Bibliographie synthétique

  • Gleize Y., Lacourarie C. 2024. ‘Atlit, Crusader Cemetery, Preliminary report. Hadashot Arkheologiyot.
  • Dorso S., Gleize Y., Mercier E. 2023. On the meaningfulness of small finds: two new mother of pearl cross pendants from Atlit and their wider context. In R.G. Khamisy, R.Y. Lewis, V.R. Shotten-Hallel (eds), Exploring Outremer. Volume II. Studies in Crusader Archaeology in Honour of Adrian J. Boas.
  • Gleize Y. 2021. The Medieval Cemetery of ‘Atlit: Historiography and New Archaeological Data (2014-2019). In G. Fishhof, J. Bronstein, V.R. Shotten-Hallel (eds), Settlement and Crusade in the Thirteenth Century. Multidisciplinary Studies of the Latin East : 124-138.
  • Gleize Y. 2020. Archaeothanatology, Burials and Cemeteries: perspectives for Crusader Archaeology. In V.R. Shotten-Hallel, R. Weetch (eds), Crusading and Archaeology. Some Archaeological Approaches to the Crusades : 284-299.
  • Gleize Y., Dorso S. 2019. ‘Atlit, Crusader Cemetery, Preliminary report. Hadashot Arkheologiyot : 131.
  • Gleize Y., 2017. Les tombes de Château-Pèlerin. L’Histoire, Mai 2017, 435.