Il y a 2 000 ans - Arabie Saoudite

Hégra

Hégra, souvent appelée Madain Salih, est un site archéologique des montagnes du Hijaz, au nord-ouest de l’Arabie Saoudite, à environ 300 km au nord-ouest de la ville de Médine. C’est avant tout un site nabatéen et romain, dont la période d’occupation principale s’étale sur les trois premiers siècles de l’ère chrétienne.

Le tombeau dit Qasr al-Farîd. C’est le tombeau le plus grand et le plus emblématique du site de Hégra (© Mission archéologique de Madain Salih / Laïla Nehmé).

Hégra est situé sur la route des caravanes de l’encens qui traversaient la péninsule Arabique dans l’Antiquité. Comme à Pétra, en Jordanie, les Nabatéens y ont taillé dans la roche des dizaines de tombeaux rupestres à façade monumentale et y ont construit une ville.

Découverte et fouilles

Le site est connu et décrit depuis le XIXe siècle et il a été largement exploré au début du XXe par les pères dominicains de l’École Biblique et archéologique française de Jérusalem. Une mission franco-saoudienne, placée entre autres sous l’égide du ministère des Affaires étrangères et européennes, y réalise des fouilles et des prospections depuis 2002. Le site, très vaste, est composé d’une oasis qui a rendu possible la vie dans un milieu désertique, d’une ville construite en grande partie en briques crues, de plusieurs nécropoles rupestres et d’un secteur à dominante religieuse.

Hégra dans l'Antiquité

Dans l’Antiquité, Hégra se trouvait à la frontière sud du royaume nabatéen. En 106 apr. J.-C., ce royaume a été annexé par l’empereur romain Trajan pour former une nouvelle province romaine, celle d’Arabie, qui s’étendait au moins jusqu’à Hégra. Plusieurs inscriptions grecques et latines, écrites par des soldats romains appartenant à des légions, ou à des troupes auxiliaires, y ont été mises au jour ces dernières années. Elles témoignent de la présence des troupes romaines qui stationnaient dans le camp romain de Hégra, le plus méridional de cette partie de l’Empire, découvert par la mission franco-saoudienne en 2015.

Hégra à l'époque Nabatéenne

À l’époque nabatéenne, le cœur du site était occupé par une ville d’une cinquantaine d’hectares, entourée d’un rempart pourvu de bastions. À l’intérieur de ce rempart, les quartiers d’habitations, composés de maisons construites principalement en briques crues, étaient séparés les uns des autres par des rues et des ruelles qui ne se croisaient pas à angle droit, contrairement aux villes dites de plan hippodaméen. Au centre se dressait un sanctuaire peut-être consacré au « dieu des cieux », un dieu suprême qui n’est pas connu ailleurs dans le royaume nabatéen et qui est mentionné dans deux inscriptions de Hégra. Ce sanctuaire, composé d’une sorte de kiosque à quatre colonnes construit au sommet d’une butte rocheuse et d’une terrasse basse entourée d’une enceinte sacrée, se voyait sans doute de très loin.

Un réseau hydrique maîtrisé

La ville et l’oasis étaient alimentées en eau par plus de 130 puits creusés partiellement dans les sédiments et partiellement dans la roche, un grès assez tendre. Ils permettaient d’accéder à une abondante nappe phréatique qui n’était qu’à quelques mètres sous la surface dans l’Antiquité. Les puits pouvaient atteindre 7 mètres de diamètre et 20 mètres de profondeur. Les recherches menées sur les restes végétaux contenus dans les sédiments sortis des fouilles ont mis en évidence une agriculture de type oasien, caractérisée entre autres par des cultures sur trois étages avec le palmier dattier à l’étage supérieur, les fruitiers à l’étage médian (olivier, grenadier, figuier et vigne), les céréales (orge et espèces de blé) et à un moindre degré les légumineuses (lentille, pois, luzerne et pois chiche) à l’étage inférieur. Des graines de coton ont également été découvertes pour la première fois dans cette partie du Proche-Orient.

Des tombeaux monumentaux

Les monuments les plus prestigieux sont sans conteste les tombeaux monumentaux, parmi lesquels 94 tombeaux à façade décorée dont le plus grand mesure 21 mètres de haut et le plus petit moins de 3 mètres, répartis dans les nécropoles qui entourent la ville. Environ un tiers d’entre eux présente en façade une inscription nabatéenne à caractère juridique qui donne le nom des propriétaires, généralement les membres d’une même famille, le nom du tailleur de pierre et la date à laquelle il a été réalisé, formulée selon les années de règne des rois nabatéens. Tous les tombeaux inscrits sont datés de l’intervalle compris entre 1 et 75 apr. J.-C.

Le rituel funéraire

Les fouilles réalisées à l’intérieur de plusieurs d’entre eux ont permis, pour la première fois, de restituer le rituel funéraire pratiqué par les Nabatéens à Hégra. La préparation du corps avait lieu au domicile du défunt. Celui-ci était sans doute nu car aucune trace de vêtement n’a été retrouvée. Dans une des sépultures fouillées, un collier de dattes, enfilées sur un fil végétal alors qu’elles étaient encore fraîches, était conservé autour du cou de l’individu inhumé. Son corps était enveloppé dans trois linceuls successifs en tissu, le premier en poil et les deux autres en lin. Une des couches était enduite d’un mélange de résines et d’acides gras destiné à retarder la décomposition. Un masque mortuaire en cuir recouvrait le visage. Un dernier linceul, en cuir cette fois, fermé à l’aide de lanières, entourait finalement le corps qui était ensuite déposé dans un linceul de transport muni de poignées. Le défunt était alors porté, sans doute par des membres de sa famille, jusque vers la chambre funéraire où il était placé dans une niche avant de refermer la porte et de déposer devant des offrandes dans des vases en céramique.

Pour se sentir chez eux à Hégra comme à Pétra, les Nabatéens avaient enfin besoin de disposer de lieux particuliers pour les réunions de leurs confréries religieuses. Celles-ci se tenaient dans des salles de banquet généralement à trois banquettes (des triclinia) dont la plupart sont aménagées dans un secteur isolé au nord-est du site, loin des turbulences de la ville, connu sous le nom de Jabal Ithlib. Durant ces réunions, ils prenaient des repas en commun par groupes de 13 et ils étaient divertis par 2 musiciens.

Le projet est soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères sur l’avis de la Commission des fouilles. 

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