Édifices chrétiens de Mossoul

Véritable Jérusalem de Mésopotamie, l’hyper centre de la vieille ville de Mossoul est devenue un charnier des pierres. C’est à Mossoul que se trouvaient certains des édifices chrétiens les plus importants d’Irak. Ils ont été vandalisés, bombardés, et pour certains détruits entre 2014 et 2017 pendant le conflit.

Nef de l'église latine Notre Dame de l’Heure des Dominicains de Mossoul, saccagée et pillée pendant l'occupation de Mossoul par Daesh © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA. Avril 2018

La tradition paléochrétienne veut que trois églises de Mossoul se glorifient d’avoir eu pour fondateurs les maisons dans lesquelles les apôtres Pierre, Barthélemy et Thomas auraient séjourné.

Dans l’histoire de Mossoul citons la conquête musulmane en 641. Les Chrétiens devinrent des dhimmis, soumis aux droits (limités) et devoirs (contraignants) qu’implique leur appartenance confessionnelle. En 1743, ils participèrent activement à la défense de la ville contre le Perse Nâdir Shâh et purent ensuite y construire de nouvelles églises. Le XVIIe siècle marqua l’ouverture des missions catholiques latines en Mésopotamie. Les Capucins s’installèrent à Mossoul en 1636. Les Dominicains de la Province de Rome arrivèrent en 1750, suivis de ceux de la Province de France en 1859. En 1915-1917, Mossoul connut les odieuses tueries du génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens de l’Empire ottoman. Après la chute de Saddam Hussein en 2003, les persécutions anti-chrétiennes aboutirent à l’exode des Chrétiens de Mossoul, avant la destruction de leur patrimoine lors de la bataille de Mossoul en 2017.

L’église syriaque-orthodoxe Mar Touma

L’église syriaque-orthodoxe Mar Touma (Saint-Thomas) de Mossoul aurait été bâtie à l’emplacement de la maison où l’apôtre Thomas aurait reçu l’hospitalité au cours de son voyage vers l’Inde. Cette église est attestée dès le VIIIe siècle. Elle fut construite par étapes successives jusqu’au XIXe siècle. Son architecture porte certaines caractéristiques de la période atabeg du XIIIe siècle. Une partie fut construite en 1744 durant l’ère ottomane djalili, un an après la déroute du Perse Nadir Shah qui échoua à prendre la ville.

On pénètre dans l’église par les portes situées sur les façades nord et ouest. Plus qu’une église, il s’agit d’un ensemble architectural à cinq nefs constitué de deux églises parallèles délimitées par des arches à colonnes octogonales. Le sanctuaire s’étire sans séparation du nord au sud. Le niveau de l’église, autrefois beaucoup plus bas, a été rehaussé lors des différentes phases de construction des églises parallèles, c’est pourquoi les piliers octogonaux de l’église ancienne sont presque enterrés.

L’église côté nord est la plus ancienne. Les reliques de Mar Théodoros qui s'y trouvaient ont été transportées en lieu sûr et ont ainsi pu être préservées des destructions commises par Daesh.

Ce qui rend cette église admirable, outre son histoire, c’est sa magnifique porte royale en marbre de Mossoul, le farsh, dont l’encadrement est sculpté de bas-reliefs représentant les douze apôtres entourant le Christ. Cette frise, riche de motifs entrelacés et de figures asiatiques, a été martelée par les terroristes. Tous les visages ont été effacés à coups de burins.

L’église Al-Tāhirā des Chaldéens

Tout visiteur qui chercherait à Mossoul l’église chaldéenne Al-Tāhirā (La Toute Pure, c’est-à-dire la Vierge Marie) doit savoir qu’il existe dans cette ville six églises ayant le même nom, mais appartenant à des confessions différentes.

L’église Al-Tāhirā des Chaldéens, appelée Tāhirā « du bas », Al-Tahtaniyya, a été reconstruite en 1744, un an après le siège de Mossoul par les troupes du Perse Nâdir Shâh, sur l’emplacement d’un ancien couvent, Mar Gabriel (Saint-Gabriel), qui abrita dès le VIIe siècle une célèbre école de théologie. Ce couvent disparut au milieu du XIIIe siècle.

L’église Al-Tāhirā des Chaldéens est admirable. Elle « donne un rare exemple d’unité de style et d’époque ; c’est tout simplement un chef-d’oeuvre du XVIIIe siècle (...) L’harmonie de cette église vient de sa très grande unité et de son élégance extrême. Il est possible que cette église puisse être classée parmi les plus belles de l’Orient » (source Jean-Marie Mérigoux, o.p.).

Les dégradations et les pillages commis entre 2014 et 2017 par Daesh, mais aussi les bombardements intensifs lors de la bataille de Mossoul en juin et juillet 2017 ont endommagé les murs, la toiture et le clocher. En revanche, l’église interne a été relativement épargnée.

Al-Tāhirā fut aussi le siège épiscopal de l’archevêché chaldéen de Mossoul jusqu’à l’assassinat de son archevêque, Paulos Faraj Rahho, en mars 2008. L’archevêché chaldéen fut ensuite transféré en zone kurde à la cathédrale Mar Youssef d’Ankawa. Depuis le 22 décembre 2018, Najeeb Michaeel est le nouvel archevêque chaldéen de Mossoul.

L’église latine Notre-Dame de l’Heure des Dominicains

L’église latine Notre-Dame de l’Heure des Dominicains de Mossoul se trouve dans le secteur sud du vieux Mossoul au carrefour des routes de Ninive et Al-Shaziani / Farouq.

Depuis 1750, les religieux membres de la Mission dominicaine de Mésopotamie, de Kurdistan et d’Arménie sont des acteurs, des experts et des témoins essentiels de l’histoire chrétienne irakienne et des périls auxquels font face les Chrétiens du Proche-Orient.

La première église dominicaine de Mossoul fut construite par les Italiens. En lieu et place fut édifiée entre 1866 et 1873 la nouvelle et grande église latine des Dominicains de la Province de France. C’est un édifice imposant, tout à la fois massif et élancé, de style romano-byzantin, à trois nefs et cinq travées.

Les Dominicains y créèrent en 1857 la toute première imprimerie lithographique d’Irak, puis en 1860 une imprimerie moderne, qui édita nombre de livres en arabe, en français et en syriaque, parmi lesquels la première Bible en langue arabe d’Irak, la Peshitta (la Bible en langue syriaque), ainsi que le Nouveau Testament en syriaque occidental. Cette remarquable imprimerie fut détruite par les Turcs ottomans en 1915 lors de la Première Guerre mondiale.

Le célèbre campanile de l’église Notre-Dame de l’Heure se dresse au nord, entre deux absidioles. L’impératrice Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, offrit en 1880 ce clocher, le premier en Irak, dans lequel fut installée en 1881 la célèbre horloge à quatre cadrans. C’est ainsi que la célèbre horloge donna l’heure à toute la ville.

L’église latine Notre-Dame de l’Heure fait partie d’un ensemble conventuel restauré dans les années 2000 qui a été pillé et dévasté au cours des trois années d’occupation de Mossoul par Daesh, entre 2014 et 2017. Les cadrans et le mécanisme de l’horloge ont même été volés.

Mutilée mais toujours debout, l’église latine Notre-Dame de l’Heure des Dominicains de Mossoul est devenue un phare de douleurs dans un océan de détresse.