Vanuatu - Depuis 3000 ans

Emae

Les vestiges découverts sur l’île d’Emae témoignent des différentes vagues migratoires et des relations inter-archipels à l’origine de la sphère interculturelles moderne du Vanuatu central, mais aussi de l’une des plus grandes éruptions volcaniques du dernier millénaire à l’échelle du globe.

Vue aérienne d’Emae et de Makura

Les travaux menés à Emae nous permettent de reconstituer l’histoire humaine et environnementale d’une île où se cristallisent un ensemble de phénomènes migratoires, socio-culturels et socio-écosystémiques liées à l’installation et à l’adaptation des différentes populations océaniennes issues du Vanuatu, de Polynésie ou d’ailleurs, qui constituent la société multiculturelle moderne des îles du centre du Vanuatu.

L’archipel du Vanuatu constitue un carrefour des cultures océaniennes depuis trois millénaires, avec plusieurs vagues migratoires depuis l'Asie du Sud-Est, l’archipel des Bismarck et les îles polynésiennes du Pacifique central, et des relations à longue distance maintenues sur le long terme avec les îles Santa-Cruz et les îles Salomon au nord, les îles Loyauté et l’île de la Grande Terre de Nouvelle-Calédonie au sud et les îles Fidji, Sāmoa et Tonga à l’est.

Le projet PANUA 'ATA (du proto-océanien *panua « territoire habité » et *ʔata « individu(s) ») s'attache à reconstituer l’histoire de cette « terre de tous les humains », sous-entendu de tous les Océaniens quelle que soit leur origine ethnique ou culturelle, et ce afin de mieux comprendre l’entrelacement des trajectoires historiques et culturelles qui ont façonné la société moderne du Vanuatu central. Cette référence aux origines communes de l’ensemble des océaniens permet tout d’abord de nous libérer des simplifications anthropologiques héritées du XIXe siècle pour aborder le passé d’une région qui ne peut être analysée à partir de la division classique entre Mélanésie et Polynésie. D’autre part, ces termes permettent de poser un cadre théorique et méthodologique pour appréhender les multiples cheminements – d’hommes et femmes, d’objets, d’espèces animales et végétales – qui jalonnent l’histoire humaine et environnementale de la région.

Afin d’identifier et de dater l’ensemble des vestiges associés aux occupations les plus anciennes jusqu’à cette dernière grande vague migratoire, les travaux de terrain se concentrent sur la bande côtière au sud de l’île, où sont situés les villages des locuteurs polynésiens modernes. De cette manière, le projet PANUA 'ATA aborde l’ensemble de la séquence chrono-culturelle et notamment la question du peuplement polynésien de l’île, et constitue ainsi une contribution importante à l’étude du phénomène des migrations polynésiennes dans l’Ouest du Pacifique mieux connu sous le terme de Polynesian Outliers.

Nous proposons une approche multi-proxies fondée sur l'étude des cultures matérielles (lithique, céramique, matières dures animales), des coquillages, des restes fossiles de plantes (phytolithes, charbons, pollens), et des restes osseux pour reconstituer une séquence archéologique tout en identifiant des moments de ruptures, qu’ils soient liés à l’arrivée des nouvelles populations ou à des changements dans les dynamiques socio-écosystémiques.

L’extension du système de chefferie à titres et les multiples emprunts linguistiques et culturels depuis l’île d’Epi jusqu’au sud d’Efate indiquent également que la région formait un ensemble interconnecté au cours des siècles qui ont précédé l’arrivée des Occidentaux. Dans les traditions orales, le début de cette période est associé à l’apaisement des relations entre les communautés des différentes îles sous l’impulsion du héros mythique Roi Mata, auquel l’ethnologue Jean Guiart et l’archéologue José Garanger ont consacré des travaux importants qui ont renouvelé la pratique de l’ethno-archéologie dans le Pacifique. À partir d'une approche résolument diachronique, nous évaluerons dans quelle mesure les vestiges archéologiques indiquent des contacts inter-insulaires au sein des îles Shepherd et au-delà.

L’éruption du volcan Kuwae, qui sépare les îles d’Epi et de Tongoa au milieu du XVe siècle, a provoqué le déplacement de nombreuses populations des îles Shepherd qui ont dû trouver refuge et s’installer temporairement dans d’autres îles. D’après les traditions orales, les îles Shepherd ont été repeuplées très vite après l’éruption. Les dépôts de cendre et de tephra associés à l’éruption de Kuwae sont notamment visibles sur Emae, avec des dépôts parfois accumulés sur près d’un mètre.