Saï, une île au cœur de la Nubie
À la croisée des cultures anciennes du Soudan et de l’Égypte, Saï a conservé de nombreux témoins archéologiques de l’histoire de la Nubie, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours. Elle constitue un terrain privilégié pour l’étude des relations entre l’Égypte pharaonique et ses voisins du sud : les royaumes de Kerma, Napata et Méroé.
Avec le soutien de la commission des fouilles, du Service des Antiquités, de la SFDAS et du CNRS (UMR 8167 – Sorbonne Université), une nouvelle équipe œuvre depuis 2017 à l’établissement d’une carte archéologique de l’île dont le patrimoine est menacé. Les fouilles se concentrent pour le moment sur la ville fortifiée fondée au début de la 18ème Dynastie et sur les nécropoles élitaires attenantes.
Une position stratégique
Dès le milieu du 3ème millénaire av. J.-C., l’île de Sai devient le plus gros foyer de peuplement pour le royaume indépendant de Kerma, en dehors de la capitale éponyme. Idéalement située au sud des rapides de la 2ème cataracte, et naturellement protégée par sa nature insulaire, elle fait face à un spectaculaire réseau de forteresses égyptiennes bâties au Moyen Empire afin de sécuriser la frontière sud de l’Égypte et les accès aux mines d’or de Nubie.
Lorsque la guerre éclate entre les deux puissances au milieu du 2ème millénaire av. J.-C., Saï devient un objectif stratégique majeur pour les Égyptiens qui y établiront leur première ville en territoire conquis. D’abord tête de pont logistique pour l’armée, le site deviendra très vite un imposant comptoir fortifié disposant d’un temple et d’une importante administration. Les fouilles menées actuellement sur la ville visent à comprendre comment les Égyptiens et les Nubiens cohabitèrent et influencèrent mutuellement leurs cultures durant cette période.
De puissants royaumes nubiens
Au sortir de cinq siècles de colonisation égyptienne, la Nubie redevint indépendante. Sous la houlette des premiers souverains kouchites, Saï fut intégrée au royaume de Napata (IXe – IIIe siècle av. J.-C.), puis à celui de Méroé (IIIe siècle av. J.-C. – milieu IVe siècle apr. J.-C.) lorsque la capitale se déplaça plus au sud, dans les steppes du Boutana.
Ces royaumes, résolument pharaoniques dans leur essence, mais Nubiens dans leur culture, correspondent à une période très riche de l’histoire de la Nubie durant laquelle les contacts avec l’Égypte et les grands empires méditerranéens transformèrent en profondeur la société et les croyances. À Saï, la fouille de plusieurs ensembles funéraires méroïtiques apporte un éclairage sur la structure particulière des provinces du royaume et les échanges privilégiés avec leurs voisins au nord.
Un patrimoine exceptionnel menacé
La particularité de Saï tient dans son impressionnante profondeur chronologique. On y côtoie des restes d’arbres fossiles, des sites paléolithiques et néolithiques, ainsi que nombre d’habitats et nécropoles couvrant toutes les périodes jusqu’à la fin de l’occupation ottomane.
Cependant, le récent développement de projets agricoles et l’explosion de l’orpaillage en Nubie font courir un grand danger à cet ensemble unique au Soudan. La mission archéologique tâche donc chaque année d’ajouter de nouvelles informations à la carte archéologique de l’île, en intervenant si nécessaire pour effectuer des diagnostics archéologiques. Des opérations de bornage, de protection et de mise en valeur des sites accompagnent un travail au long court auprès des communautés locales, via des présentations sur place et dans les écoles.
Projet soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères sur l’avis de la Commission des fouilles.