Mexique - Il y a 1500 ans

Río Bec

Dans les basses terres mayas classiques (600-900 apr. J.-C.), Río Bec désigne avant tout un style architectural original, décrit depuis la fin du XIXe siècle et défini par de grandes résidences maçonnées et richement décorées, comptant parmi les plus spectaculaires du plein apogée de ces sociétés. Les travaux menés dans le site éponyme ont démontré également sa singularité sur le plan agraire et politique.

Río Bec, édifice 7N1 du Groupe D (© Projet Río Bec 1/ M. Charlotte Arnauld)

La monumentalité des bâtiments de Río Bec et leur exceptionnelle préservation dans un milieu de forêt tropicale ont attiré nombre de savants dans le site éponyme de cette région très circonscrite dans l’espace et dans le temps. La question des fondements de l’originalité et de la prospérité de cette société Río Bec a été au cœur d‘un premier projet français (2002-2010), auquel fait suite le programme de recherche en cours.

Río Bec, un site maya pas comme les autres 

Río Bec est aussi connu depuis les années 1970 pour ses vastes réseaux de terrasses agricoles, encore très visibles aujourd’hui. Tradition architecturale, économie et organisation socio-politique ont guidé les recherches du Projet Río Bec 1 (2002-2010), qui est parvenu à jeter la lumière sur bien des aspects de cette société, tant emblématique qu’énigmatique.

Le site éponyme de Río Bec correspond en réalité à une zone archéologique comptant 73 groupes monumentaux dispersés sur 32 km2 environ, sans centre politico-religieux apparent – autrement dit, sans roi, ni cour, ni agglomération de la population qui caractérisent généralement les sites des basses terres classiques.

L’ouverture d’une fenêtre de recherche sur 1,6 km2 a montré qu’entre les groupes monumentaux, à vocation principalement résidentielle, avaient été construites des maisons beaucoup plus modestes, mais que toutes, petites et grandes, s’inscrivaient au sein d’un parcellaire, avec limites, champs et aménagements agricoles.

Ce fort caractère agraire, ajouté à l’absence de pôle de pouvoir et de hiérarchie, est en faveur de l'hypothèse d'une société d'agriculteurs autonomes qui auraient remarquablement prospéré sans royauté entre 700 et 900.

Le projet Río Bec 2 (2019-2022) : formes alternes de gouvernement et d’usage des terres

L'hypothèse d’un changement de pouvoir ou de formes de gouvernement successives dans la société de Río Bec, associées à des agrosystèmes distincts, est le point de départ du programme de recherche en cours.

Le style Río Bec s’est développé à partir de 700 et l’essor de la société correspondante a été tel que les occupations antérieures de cette zone en auraient été « gommées », alors qu’elles remontent à la fin du Préclassique (300 avant notre ère).

L’objectif du programme est donc d’éclairer de manière diachronique l'évolution politique et socio-économique de la société de Río Bec. Il s’applique aux trois seuls groupes dotés des quelques indices d’une possible royauté sacrée (données épigraphiques, iconographiques et architecturales), qui aurait donc été affaiblie précocement et remplacée par des structures oligarchiques dont la puissance s'exprimait dans l'architecture monumentale et les productions agricoles. Les recherches sont axées sur la datation et la fonction des trois groupes (Kajtun, Groupe II et Groupe V) et sur la caractérisation de leur paysage local, tant résidentiel qu’agricole, soit sur les composantes sociales et agraires qui assuraient le maintien, la subsistance, voire la prospérité de la société.

À terme, le projet devrait contribuer à la compréhension des crises des VIIIe-IXe siècles (« l’effondrement maya ») et à celle des stratégies socio-économiques des élites du Classique et de la transition vers le régime politique postclassique, qui fonctionnait sur la base d'un pouvoir partagé entre les chefs de lignées puissantes.

Équipe et collaboration

Le programme s'inscrit dans une démarche interdisciplinaire, articulant des approches archéologiques centrées sur l'architecture et la chronologie et des approches paléoenvironnementales, en particulier des études archéobotaniques et isotopiques, axées sur les paysages et les ressources associés.

Il intègre des chercheurs d'institutions diverses (France, Mexique, Guatemala, Canada), quasiment tous membres du premier projet, et bénéficie de l’appui institutionnel et/ou financier du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, de l'UMR 8096 – Archéologie des Amériques (CNRS, Nanterre), du Centre français d’études mexicaines et centraméricaines, Mexico (CEMCA), de la Fondation Stresser-Péan, de l'Université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne, de l’entreprise franco-mexicaine CIMESA et de l'INAH (Instituto Nacional de Antropología e Historia) à Mexico et dans son centre régional du Campeche.

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