Préhistoire de Casablanca
La région de Casablanca, au Maroc, a permis la fouille de sites exceptionnels par leur richesse. Ainsi, au sud-ouest de la ville, les carrières de Sidi Abderrahmane, de Thomas I et d’Oulad Hamida 1 documentent l’histoire des premiers humains en Afrique du Nord au travers de leurs caractéristiques biologiques, de leurs comportements et de leurs environnements.
La région de Casablanca offre un terrain privilégié pour étudier les différents moments de l’évolution de l’Acheuléen africain, au plus loin de ses origines en Afrique de l’Est, et l'occupation d'un milieu côtier encore jamais expérimenté.
Les premiers peuplements humains de l'Afrique du Nord
La Mission archéologique « Casablanca » se consacre à l’étude des premiers peuplements du Maroc atlantique. Entre Afrique subsaharienne et Europe, le Maroc occupe une place de choix dans les réflexions concernant les échanges culturels et les dynamiques de peuplements durant la Préhistoire.
L’essentiel des données archéologiques concernant les occupations humaines anciennes du Maroc provient du littoral atlantique, et de Casablanca en particulier, même si de très nombreux sites sont connus à l’intérieur des terres. L’originalité de la région de Casablanca est en effet d’avoir conservé, par son histoire géologique, un nombre important de sites archivant la succession des environnements, des faunes et des humains, du début du Pléistocène à l’actuel, permettant ainsi d’appréhender la réponse des hominines à leur environnement.
Hors du rift est-africain, à ce jour, l’ensemble formé par les sites des carrières Sidi Abderrahmane, Thomas I et Oulad Hamida 1, est le seul à offrir un complexe de sites archéologiques inscrit dans un cadre chronologique robuste documentant l’émergence et le développement de l’Acheuléen.
La carrière Thomas I
Dans la carrière Thomas I, le site acheuléen de plein-air ThI-L, d’une exceptionnelle richesse, a récemment permis de proposer un âge de l’ordre de 1,3 Ma, ce qui représente la plus ancienne évidence archéologique en stratigraphie de la présence humaine enregistrée au Maroc.
Les sites acheuléens en grotte, un peu plus récents, offrent notamment un remarquable registre de restes humains, le plus important pour l’Afrique du Nord, ainsi que de riches accumulations de faunes fossiles et d’artefacts lithiques.
Le site de la Grotte à Hominidés, qui s’ouvre également dans la carrière Thomas I, est connu grâce à la découverte en 1969 d’une hémi-mandibule humaine. Depuis, d’autres restes humains ont été découverts et constituent la série la plus importante en nombre et la plus ancienne provenant d’un site stratifié fouillé avec des méthodes modernes au Nord de l’Afrique. Aujourd’hui datés de la transition Pléistocène inférieur/Pléistocène moyen (autour de 1,25 Ma-750 ka), ces hominines représentent les plus anciens restes humains aussi précisément et solidement datés au Nord de l’Afrique. La faune associée y est très bien conservée, dominée par les bovidés (antilopes, gazelles, etc.) et les carnivores (chacals, hyènes, panthères, ursidés…) qui sont les principaux responsables des restes humains et animaux accumulés dans la grotte.
La carrière d'Oulad Hamida 1
Dans la carrière d’Oulad Hamida 1, l’exceptionnelle richesse lithique et faunique d’un autre site en grotte, la Grotte des Rhinocéros, est sans équivalent au Nord de l’Afrique, et en fait un site capital pour comprendre les comportements de subsistance des hominines de la transition Pléistocène inférieur/Pléistocène moyen au Maghreb. Ce site est en effet exceptionnel pour les nombreux restes de Rhinocéros (Ceratotherium mauritanicum) associés à un très riche outillage acheuléen. De manière générale, le spectre faunique, très similaire à celui de la Grotte à Hominidés, témoigne d’un milieu très ouvert, qui a été exploité par les humains comme par les carnivores. Les marques de découpe observées sur les restes osseux exhumés sont les plus anciens témoignages de boucherie en grotte pour le continent africain.
Un nouvel éclairage
Les fouilles des sites des carrières de Casablanca ont livré des témoignages de la plus haute importance pour la connaissance des premiers peuplements de l'extrême Maghreb : des milliers d’outils en pierre qui caractérisent différents stades de la culture matérielle de l’Acheuléen, des collections de mammifères fossiles, pour certaines les plus riches du Maghreb, avec plusieurs espèces nouvelles, et enfin de nouveaux fossiles d’hominines datés de la transition Pléistocène inférieur/Pléistocène moyen, juste avant l’émergence des premiers humains anatomiquement modernes découverts non loin de là, au Djebel Irhoud.
Un programme de recherche franco-marocain
Un projet de Parc de Préhistoire est en cours de réalisation dans le site de Sidi Abderrahmane (CIP – Centre d’Interprétation du Patrimoine – et parcours extérieur paysager et culturel). Ce parc sera un exemple original de la mise en valeur du patrimoine préhistorique de Casablanca.
La Mission archéologique « Casablanca » s’inscrit dans un programme franco-marocain, ayant comme partenaire le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE), l'Institut national des Sciences de l'archéologie et du Patrimoine (INSAP) du ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports/Département de la Culture du Royaume du Maroc, et le Laboratoire d'Excellence Archimède de l'université Paul Valéry Montpellier 3.
Informations pratiques
- NOM DU SITE : Carrières de Sidi Abderrahmane, de Thomas et d’Oulad Hamida
- LOCALISATION : Casablanca, Maroc
- PÉRIODE D'OCCUPATION : Il y a 1 300 000 à 300 000 ans
- DATE : 1978 (début coopération)
- DIRECTION SCIENTIFIQUE (2024-2027) : Camille Daujeard (Muséum national d’Histoire naturelle, Paris), Rosalia Gallotti (Université Paul Valéry, Montpellier), Abderrahim Mohib (Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat).
Liens utiles
- 2nd Prix Clio 2023
- La carrière Sidi Abderrahmane (Raynal et al., 2023)
- La Grotte des Rhinocéros de la carrière Oulad Hamida 1 (Raynal et al., 2023)
- La Grotte à Hominidés et l’Unité L de la carrière Thomas I (Raynal et al., 2023)
- L’Acheuléen ancien de l’Unité L de la carrière Thomas I (Gallotti et al., 2021)
- L’Acheuléen ancien de l’Unité L de la carrière Thomas I (Gallotti et al., 2023)
- Activités de boucherie à la Grotte des Rhinocéros (Daujeard et al., 2020)
- Les plus anciennes traces de boucherie en grotte en Afrique (actualités du CNRS – INEE, 2020)
- Séminaire « Grands mammifères et premiers Hommes en Afrique du Nord : biochronologie, paléoenvironnements et subsistance », in « Préhistoire et évolution humaine au Maghreb », colloque organisé par J.-J. Hublin (2019)
- Des hominines consommés par des carnivores (Daujeard et al., 2016)
- Des hominines consommés par des carnivores (actualités du Max Planck, 2016)
- Émission radiophonique - Qui a croqué Homo rhodesiensis ? (Daujeard & Hublin, 2016)
- Documentaire Enigmes de l'Histoire (2016)
Le saviez-vous ?
L'Acheuléen s'est développé sur plus de 1,5 million d'années (1,9-0,4/0,3 Ma) et constitue la culture paléolithique la plus durable et la plus étendue géographiquement, allant de l'Afrique à l'Eurasie. Elle se caractérise par la production de grands outils à bords tranchants, dont les plus représentatifs sont les bifaces.