Napak, premier berceau de nos origines
L’ancien volcan de Napak dans le Karamoja (Est de l’Ouganda) est au cœur d’une des grandes régions est-africaines ayant livré des fossiles d’hominoïdes du Miocène inférieur, il y a environ 20 millions d’années. Parmi ces fossiles, on trouve les potentiels ancêtres communs de l’homme et des grands singes.
L’âge d’or de notre super-famille, les hominoïdes (comprenant actuellement l’homme et tous les grands singes africains et asiatiques), est le Miocène inférieur en Afrique. Grâce à nos recherches commencées il y a 28 ans, Napak possède l’une des plus importantes collections de ces hominoïdes. L’objectif est ici d’en comprendre la diversité et les conditions paléoenvironnementales et paléoclimatiques qui régnaient dans la région il y a 20 millions d’années.
100 ans de découvertes
Les premiers fossiles de Napak sont découverts par E. J. Wayland en 1920. Il faudra attendre la fin des années 1950 pour que d’autres fossiles soient récoltés et les premiers sites bien localisés par John Wilson. Des recherches plus actives sont menées par W.W. Bishop de 1958 à 1964. Ces premières collections sont déposées au Service géologique d’Entebbe puis à l’Uganda Museum de Kampala. En 1985 l’UPE (Uganda Palaeontology Expedition) dirigée par B. Senut et M. Pickford mène une première prospection dans le Karamoja (Napak et Moroto). Suite à l’instabilité de la région, l’UPE va reporter ses activités dans les régions est et sud du Lac Albert pendant plus d’une décennie avant de revenir à Napak en 1996 pour y mener des recherches pratiquement annuellement (avec cependant une interruption pendant la pandémie de Covid). En 2020, un changement générationnel s’est opéré au niveau de la direction de PASS (Paléontologie de l’Afrique Sub-Saharienne) dont l’UPE est la composante ougandaise (la seconde composante, la KPE – Kenya Paleontology Expedition – étant localisée au Kenya).
L'âge d'or des hominoïdes
Avant 1997, la collection de fossiles d’hominoïdes de Napak était d’environ d’une soixantaine de spécimens. Elle comprend actuellement plus de 500 dents et de nombreux restes post-crâniens récoltés lors des campagnes de l’UPE. Ces hominoïdes sont représentés par plusieurs genres et espèces. Ceci atteste une diversité beaucoup plus importante qu’actuellement, d’où la qualification d’âge d’or pour notre super-famille. Certains hominoïdes sont de petite taille comme ceux attribués à Micropithecus – dont on estime le poids des individus d’environ 4 à 5 kg – et à l’opposé certains sont de grande taille comme Ugandapithecus major dont le poids des mâles est estimé proche de 80 kg (équivalent à un grand mâle de chimpanzé ou d’une femelle de gorille actuelle). Associés à ces hominoïdes, de nombreux fossiles de plantes (fruits, bois, empreintes de feuilles) et d’animaux divers ont été découverts (mollusques (bivalves et gastéropodes), cocons d’insectes, carapaces de mille-pattes, reptiles (lézards, caméléons, serpents, crocodiles), oiseaux, mammifères (primates non-hominoïdes, rongeurs, insectivores, chauve-souris, carnivores, ruminants, proboscidiens,…). L’étude de ces faunes permet de comprendre l’évolution de la biodiversité mais également l’aspect mosaïque de l’environnement et parfois de dater les différents niveaux préservés.
Un mille-feuille volcanique
Les fossiles sont découverts dans différents sites qu’il est important de replacer dans leur contexte géologique. Le paysage actuel à Napak a été façonné par l’érosion d’un vaste volcan (dont une partie des niveaux sont riches en calcium permettant la préservation des restes osseux et dentaires) qui était actif il y a environ 20 millions d’années. Les restes fossiles ont été préservés dans la cendre volcanique, un peu comme à Pompéï pour les restes des victimes romaines. Il faut retracer l’histoire des différents évènements éruptifs en étudiant les différents niveaux volcaniques (épaisseur, composition minéralogique et chimique des cendres et laves) et en les datant (afin d’établir une chronologie). Les sites n’étant pas tous contemporains, il est alors possible de retracer l’évolution de la biodiversité et des environnements au cours du temps.
Les recherches se font en coopération avec l’Uganda Museum de Kampala (avec des formations sur le terrain et au musée de jeunes collègues) et localement avec les autorités gouvernementales et régionales. Les résultats déjà obtenus ont permis d’exposer la valeur patrimoniale importante de ce site pour la communauté internationale mais également locale. Le site de Napak a été classé parmi les 100 premiers sites patrimoniaux géologiques par l’IUGS (International Union of Geological Sciences) en 2022. Il est prévu qu’un centre d’interprétation soit construit prochainement sur le site.