Les routes andines entre l’Altiplano et le Pacifique
La cordillère des Andes forme un espace géographique immense et hétérogène où la mobilité entre les déserts littoraux, les montagnes et les haut-plateaux a toujours été un aspect clef de l’organisation sociale, de l’économie et de la culture des peuples qui l’ont habitée.
L’étude des anciens réseaux routiers et de leurs transformations dans le temps long constitue donc un indicateur privilégié pour connaitre l’histoire des territoires et des pratiques de mobilité à travers les Andes. Le programme Redes andinas fait l'étude archéogéographique des anciens réseaux de peuplement et systèmes routiers étendus entre le littoral Pacifique d'Arica et l'Altiplano de Carangas (4000m). Il cherche à expliquer leurs transformations depuis l’époque inca (XVe siècle) jusqu’à la formation des Républiques latino-américaines au XIXe siècle.
Les palimpsestes viaires
Les déserts et les régions de montagne isolées préservent l’essentiel des infrastructures et des traces de mobilité, même longtemps après leur abandon. Vue du ciel, des milliers de voies s’entrecroisent à travers les vallées et les haut-plateaux arides, tel un palimpseste produit par l’accumulation des réseaux routiers des différentes conjonctures historiques. Ici, sont ainsi entremêlés les réseaux de l’empire inca, de la route coloniale de l’Argent de Potosi et celles des pratiques de mobilité locale et régionale des éleveurs de camélidés.
En combinant l’étude de la cartographie ancienne à la télédétection d’imagerie satellite, ainsi qu’aux prospections de terrain, Redes andinas dresse une carte archéologique de ce palimpseste viaire afin de déterminer la morphologie des réseaux des différentes époques et d’expliquer leurs transformations dans le temps long.
Les archipels
Les premières archives écrites et les recensements coloniaux du XVIe décrivent un peuplement du transect andin Arica-Carangas, composé de territoires entremêlés et dispersés de façon discontinue entre le Pacifique et l’Altiplano. Ce modèle territorial en archipel, lié à l’écologie verticale de la cordillère des Andes, était en effet largement répandu avant la conquête espagnole et a souvent subsisté, malgré la reforme des institutions, durant l’époque coloniale.
La conservation exceptionnelle de centaines d’anciens sites d’habitat de l’époque préhispanique récente, entre Arica et Carangas, permet de recomposer la structure de ces anciens réseaux de peuplement ainsi que la complexité des dynamiques culturelles liées à la coexistence pluriethnique au sein de ces territoires imbriqués.
Par l’analyse diachronique des formes du peuplement macroregional et l’analyse de l’organisation sociospatiale des principales agglomérations préhispaniques, complétées par la fouille d’habitations, Redes andinas est en train de mettre en évidence toute la complexité des archipels andins et de leur transformation depuis l’époque préhispanique jusqu’à aujourd’hui.
Les patrimoines transfrontaliers
Si l’implantation d’une frontière internationale dure au XXe siècle a sans doute freiné en partie l’intensité des mouvements de population entre l’Altiplano et le Pacifique, le transect Arica-Carangas n’en conserve pas moins une cohérence régionale du point de vue culturel et de celui des réseaux de peuplement.
Il est en effet courant que les communautés humaines possèdent des résidences de part et d’autre de la frontière et que leurs itinéraires de vie empruntent les parcours transfrontaliers fréquemment. Pour ces personnes, l’histoire de la mobilité sur les anciennes routes, ainsi que celle de la territorialité multisituée entre le Pacifique et l’Altiplano, constitue un patrimoine culturel très significatif.
Avec ces communautés, le programme de recherche développe une approche ethnoarchéologique sur les pratiques de mobilité pédestre, ainsi que des ateliers patrimoniaux afin de discuter des significations actuelles des anciens tambos (stations routières, type caravansérail) et des tronçons de chemin abandonnés.
Projet soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères sur l’avis de la Commission des fouilles.